Faire des cabanes alors: jardiner des possibles. Prendre soin de ce qui se murmure, de ce qui se tente, de ce qui pourrait venir et qui vient déjà: l'écouter venir, le laisser pousser, le soutenir. Imaginer ce qui est, imaginer à même ce qui est. Partir de ce qui est là, en faire cas, l'élargir et le laisser rêver. Cela se passe à même l'existant, c'est à dire dès à présent dans la perception, l'attention et la considération: une certaine façon de guetter ce qui veut apparaître, là où des vies et des formes de vies s'essaient, tentent des sorties hors de la situation qui leur est faite; et une certaine façon d'augmenter ces poussées, de soutenir les liens en voie de constitution, de prendre soin des idées de vie qui se phrasent, parfois de façon très ténue, comme autant de petites utopies quotidiennes: oui, on pourrait vivre aussi comme ça.
(...)
Gilles Clément nous a réappris ce que c'est que jardiner: c'est privilégier en tout le vivant, "faire" certes, mais faire moins (ou plutôt: faire le moins possible contre et le plus possible avec), diminuer les actions et pourtant accroître la connaissance, refaire connaissance ( avec le sol, avec ses peuples), faire place à la vie qui s'invente partout, jusque dans les délaissés... (...)
Jardiner les possibles ce n'est décidément ni sauver, ni restaurer, ni remettre en état, ni revenir; mais repartir, inventer, élargir, relancer l'imagination, déclore, sauter du manège, préférer la vie.
Marielle Macé " Nos cabanes" ( Verdier 2019)
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