J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 20 janvier 2020

L'arbre-monde



Des trembles se dressent au soleil de l'après-midi et s'étendent à perte de vue le long de la crête. Populus tremuloides. Des nuages de feuille d'or scintillent sur des troncs minces teints du vert le plus pâle. L'air est immobile, mais les trembles s'agitent comme sous l'effet du vent. Seuls les trembles frémissent quand tous les autres arbres sont figés dans le calme. Les longues tiges aplaties des feuilles se tordent au moindre souffle, et tout autour d'elle un million de miroirs de cadmium bicolores clignotent dans le bleu satisfait.
Les oracles de feuille rendent le vent audible. Ils filtrent la lumière sèche et la peuplent d'attente. Les troncs sont droits et nus, burinés par l'âge à leur base, avant de se lisser et de blanchir jusqu'aux premières branches. Des cercles de lichen vert pâle les éclaboussent en palette. Elle se tient dans cette chambre blanc gris à colonnades, vestibule de l'au-delà. L'air frissonne d'or, et le sol est jonché de branches mortes et de miettes de clone. La crête a une odeur de grand large et de fané. Toute l'atmosphère est bienfaisante comme un torrent de montagne.

Richard Powers " L'arbre-monde" traduit de l'anglais par Serge Chauvin (Editions Cherche midi 2018)

2 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Tout est régal pour les sens dans ce gros livre que j'ai dégusté. Avec son livre " Quand nous chantions" Richard Powers réussit la même prouesse avec la musique, un livre si musical que je ne parvenais pas à le lâcher.

Laura-Solange a dit…

C'est toi qui m'as donné envie de le lire! OUi c'est un régal, et je lirai avec plaisir celui sur la musique!