Vouloir écrire chaque brin d'herbe. La folie d'épuiser le réel. Écrire comme
capter l'épaisseur du temps. Vivre l'instant dans son plein. S'emplir se donner
vie pleine de tout ce qui surgit, toucher les rais de lumière du bout de la langue,
avaler, avaler les moments les digérer sans les laisser disparaître, les digérer
pour en faire du soi. Écrire penser filmer, s'épaissir de chaque mouvement, dans
le train la peau du bras et le vêtement du passager devant, ce qu'on en voit
dans l'interstice entre siège et vitre, bouge légèrement. De ce léger mouvement,
l'étoffe et le bras vivant à l'intérieur, vous ne pouvez rien saisir sans l'acuité
donnée par le désir de mettre le réel à l'arrêt, dans un ralenti d'appropriation,
une folie d'avaler combler un vide. Cette FAIM a quelque chose à voir avec la
mort. Quelque chose comme saisir le plein de l'instant, chaque morceau
d'ordinaire comme trésor, humer du beau dans le déroulé des choses, se tenir à
ce bonheur là.
Juliette Cortese: X tentatives pour continuer le présent ( Editions Gros Textes 2021)
(À retrouver sur la page You tube de Juliette Cortese une lecture de " Tenez vous à votre faim" d'où est extrait ce fragment)

2 commentaires:
Je trouve ce texte très beau. Ce avec quoi je n'agrée pas c'est ce "Le désir de mettre le réel à l'arrêt, dans un ralenti d'appropriation". Qu'on ait envie "d'épuiser le réel ... de vivre l'instant dans son plein" ça oui, mais de le figer, de ne plus suivre son perpétuel mouvement, de s'y accrocher, ça non. Merci pour toutes tes lectures partagées
Veryy thoughtful blog
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