J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 2 juin 2023

Manières d'être vivant

 


Combien de fois n’avons-nous rien vu de ce qui se tramait de vivant dans un lieu ? Probablement chaque jour. C’est notre héritage culturel, notre socialisation qui nous a faits ainsi. Il y a des raisons et des causes à cela. Mais ce n’est pas une raison de ne pas se battre.Pas de reproches, mais une certaine tristesse à l’égard de cette cécité, de sa portée, et de sa violence innocente. C’est un enjeu majeur que de réapprendre, comme société, à voir que le monde est peuplé d’entités autrement prodigieuses que ne le sont les collections de voitures et les galeries des musées. Et de reconnaître qu’elles exigent une transformation de nos manières de vivre et d’habiter en commun.(...)

 Par “crise de la sensibilité”, j’entends un appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre, et tisser comme relations à l’égard du vivant. Une réduction de la gamme d’affects, de percepts, de concepts et de pratiques nous reliant à lui. Nous avons une multitude de mots, de types de relations, de types d’affects pour qualifier les relations entre humains, entre collectifs, entre institutions, avec les objets techniques ou avec les œuvres d’art, mais bien moins pour nos relations au vivant. Cet appauvrissement de l’empan de sensibilité envers le vivant, c’est-à-dire des formes d’attention et des qualités de disponibilité à son égard, est conjointement un effet et une part des causes de la crise écologique qui est la nôtre. 

Baptiste Morizot " Manières d'être vivant" ( Éditions Actes Sud 2020) 

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Oui Laura, d'où mes soins aux plantes ... Je te conseille ce merveilleux petit livre de Gilles Clément "Notre-Dame-des-Plantes" sur la reconstruction de Notre Dame avec ses superbes illustrations. Et aussi François Sarano "Réconcilier l'homme avec la vie sauvage", "Retour de Moby Dick", "Au nom des requins" ainsi que l'étonnante Vinciane Despret "Autobiographie d'un poulpe", "Habiter en oiseaux".
Changer nos lunettes nous permettrait peut-être d'enrichir notre sensibilité envers tout le vivant, de percevoir autrement tout le merveilleux et la richesse de cette vie qui nous entoure au lieu de la piétiner,enfin d'habiter la terre autrement.