Il y a de cela cinq ou six ans, j'ai vu un oiseau-moqueur exécuter, depuis la gouttière d'un immeuble de quatre étages, une
descente parfaitement verticale. C'était un acte aussi insouciant,
aussi spontané que la courbe d'une tige ou une étoile qui s'allume dans
le ciel.
L'oiseau fit un grand pas dans le vide et se laissa tomber. Il avait
encore les ailes repliées contre ses flancs comme s'il chantait sur la
branche d'un arbre, et pas du tout comme s'il était en train de tomber
dans le vide, accélérant sa chute à raison de dix mètres par seconde. Un rien, un souffle avant de s'écraser à terre, il éploya ses ailes avec
une précision exacte et réfléchie, révélant ses larges bandes blanches,
déplia l'élégant éventail de sa queue barrée de blanc, et ainsi, tout
léger, se posa sur l'herbe. Je venais de tourner le coin d'une rue, au
moment où son pas insouciant avait accroché mon regard; il n'y avait
personne d'autre en vue. Le fait même de sa chute libre faisait songer à
la vieille énigme philosophique de l'arbre qui tombe dans la forêt. la
seule réponse, probablement, c'est que la beauté et la grâce se
manifestent, que l'on soit là ou non pour les vouloir ou en sentir
instinctivement la présence. Le moins que l'on puisse faire, c'est essayer de se trouver là.
Annie Dillard " Pèlerinage à Tinker Creek" ( Christian Bourgois)
1 commentaire:
Et bien oui "Le moins que l'on puisse faire c'est essayer de se trouver là"
C'est ça la grâce, et pour cela la gratitude.
Je crois qu'en vieillissant nous nous rapprochons, j'adhère de + en + avec tes mots
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