J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 20 mars 2024

Ricochets/ 11

 


1/ Lueurs d'être. Nous n'en finissons pas de naître. Comme de laisser des morceaux de soi s'éteindre et se perdre dans des recoins sombres. Mais, plus loin, cela renaît encore. Sans conscience. Ou après une période sombre et illisible, s'apercevoir de l'irruption de la vie en soi. Accueillir cette nouvelle naissance comme la venue d'un enfant nouveau-né. Se savoir toujours en croissance de qui on est, en passant de nouveaux paliers.

2/ Des sièges le long de murs qui se font face. Entre, cela marche, avec vivacité, un dossier entre les mains, ou le visage masqué à ne pas laisser s'évaporer les pensées. Certains se lèvent à l'appel de leur nom, vite remplacés par les nouveaux qui prennent leur place. C'est le lieu de l'attente avec les inquiétudes et les questions qui n'ont pas encore de réponses. Plonger dans un livre .

3/ Recourir aux blancs de la page. Faire de ces espaces des plages de silences où s'apaisent les pensées ou, au contraire, s'amplifient en bourrasques folles. Et le vertige aussi pourrait gagner, déstabilisant les quelques convictions que l'on peut encore avoir. Blanc comme le rien dont on cherche toujours à combler ses sillons. Et si la poésie se tenait là, prête à jaillir d'un outre-tombe trop bavard. Écrire par le blanc.

4/ Une lumière de printemps, de celle qui redonne espoir, qui retend les sourires sur les visages, et rend l'horizon accessible. On voudrait bien ranger au fond de l'armoire toutes les lourdeurs de l'hiver, alléger les épaules, redresser le menton et partir d'un pas vif et joyeux. Guetter le retour des branches fleuries des magnolias, ou du pommier du Japon, tendre l'oreille aux chants des oiseaux, et respirer à grandes rasades.

5/ Que ce soit dans un échange téléphonique ou dans une conversation côte à côte, la densité de ce qui se joue parfois, force à être dans une présence et une attention qui réclame beaucoup d'énergie. Les mots se choisissent, ils prennent de l'importance; on se doit d'être à la hauteur de l'autre qui demande de la concentration et de la bienveillance. De tels échanges vivants nourrissent notre être en profondeur.

6/ Sur l'écran de l'ordinateur, régler la taille et la police de caractère, l'espacement des interlignes, le retrait des paragraphes et les marges. Ce sont elles qui vont osciller selon le texte qui s'écrit. Il me faut de l'espace sur les côtés, c'est essentiel, des marges ouvertes où rien ne s'écrit mais où du blanc s'étire. Où du possible se peut, où du rien repose. Une erre de pensée, un souffle.

7/ Les gestes du quotidien, accomplis sans y penser, mais sans qui, on vivrait dans un désordre gris. On donne un coup de balai, on passe l'éponge sur la table, on lave la vaisselle qui attend dans l'évier, on étend le linge puis on le rentre, le replie ou repasse . On entend le pépiement des oiseaux dans le jardin, qui tend une ligne musicale sur laquelle se déposent quelques pensées.



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