J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 2 avril 2024

Ricochets/ 13

 


1/ Qu'est-ce qui est rassemblé dans les livres alignés -- avec une certaine cohérence -- sur les rayonnages de ma bibliothèque? Du papier, des caractères typographiques, des phrases, des auteurs (plus que des autrices même si leur nombre augmente) , des couleurs, des textures, des souvenirs, des rêves en devenir, des images mentales... C'est une rambarde vivante dans mon dos où parfois des livres frémissent, se détachent des autres, et s'avancent.

2/ Dans l'illusion de l'achèvement, on pose un point final, avec plaisir et soulagement, afin de se signifier la fin d'un travail, de se faire comprendre qu'il est temps de passer à autre chose, que d'autres taches attendent, et que là c'est définitivement terminé. Il suffit d'une nuit pour que tout bascule, tout se remette à se mouvoir, tout se désorganise et que l'on se trouve confronté au vertige de l'insaisissable.

3/ En tête des images qui défilent, parfois même des pensées. On ne maîtrise rien. Des visages aussi dans un désordre flou. On voudrait toucher les voix, dialoguer avec les regards, mais tout s'estompe très vite. Il reste une atmosphère, des couleurs, un peu de gris sur les paupières. On essaye de voir entre. Cela va et vient et tout disparaît. On a juste cru voir mais on n'a rien vu.

4/ Malgré l'obscur qui s'étale, des étincelles de vie n'en finissent pas de briller. De petites joies qui alimentent un quotidien qui se ralentit un peu. La prégnance d'un dehors qui n'apaise guère, de par la violence dont il se pare, mais le sourire de l'enfant et la joie de partager de grands moments avec elle, redonne cette énergie que l'on se doit d'avoir. Les oiseaux tourbillonnent encore et toujours .

5/ Entre le visible et le caché, il y a un petit fil à saisir, un interstice ou pousser l'œil, transpercer la noirceur des ombres pour tenter d'appréhender un peu comment le monde se décline dans ses replis, et prendre conscience de l'imperceptible, de la puissance qu'il renferme. On croit voir autour de soi, mais on n'a qu'une si petite vision de ce qu'il faudrait vraiment savoir pour se comporter mieux.

6/ Faire parler les éléments naturels qui nous entourent. Ce buisson devant la fenêtre de mon bureau, dont je n'ai aucune idée du nom, mais qui enfle d'année en année et qui a bien saisi qu'il happait la lumière qui avait la possibilité d'entrer dans ma pièce, se couvre de luminaires floraux, grosses fleurs blanches, serrées les unes contre les autres jusqu'à cacher le feuillage sombre et renvoyer la luminosité nécessaire.

7/ Un article lu, sur l'écran d'ordinateur, sans doute parce que le mot Venise transparaît dans le titre, et me voilà partie à la recherche du livre dont il est question, et par chance la bibliothèque des Beaux-arts le possède. Ce livre évoque un tableau, dont je ne savais rien, même si je l'ai sans doute croisé lors d'un passage dans le musée Correr. Je plonge dans l'ennui des deux vénitiennes.*

*De Edouard Dor autour d'un tableau de Carpaccio

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