J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

dimanche 21 juillet 2024

Au-dehors

 

La rue ouvre sa gorge. Le pas se hasarde vers le dehors. Du couloir de l’immeuble au macadam du trottoir. Avalé par la vie de l’ailleurs. Penser : tout va bien.

Ne pas poser le pied sur une ligne tracée. Longer les boutiques. Des odeurs de peut-être s’échappent de l’une d’elles. Mais ce n’est pas le jour du petit pain au lait.

Numéro treize. Elle va descendre et le trajet se fera à deux. Attendre, l’air de rien. Penser à l’épaisseur des heures à traverser. Elle sort de l’allée. Rires d’enfance.

                                                                              *

À deux, la rue se fait complice. Le cartable à bout de bras, on fait illusion. Les hésitations sont remisées au fond. On marche sans savoir. Les lendemains sont encore loin.

La place à traverser et le ciel à rêver. On voudrait bien attraper au vol quelques songes d’aventures, poser les yeux sur le frémissement d’une branche, s’abreuver à la sève d’un peu de réconfort. Le regard se déplace, car le temps est compté.

Face à la grande avenue. La rue de tous les dangers. Le petit bonhomme sait si on peut ou non aller vers l’au-delà. Sous les pieds, les soupçons du doute sont en train de germer.

                                                                            *

L’entrée se fait par la petite porte tout au bout de la rue. La tête se baisse un peu, la journée va vraiment commencer. Tout va bien, on n’est pas en retard. Soulagement.

Dans la cour, cela bruit, cela s’agite, cela affole. Vite, les lunettes dans leur étui marron. Les mettre à l’abri dans le cartable. Une paire de lunettes, c’est cher.

Alors l’incertain gouverne. Tout s’étale et se dilue. Sensation de flotter. Les silhouettes s’emmêlent. On voudrait bien avoir une vision claire du monde. Mais il va falloir s’habituer à déchiffrer l’invisible.

 

Texte écrit lors d'un atelier d'écriture du mardi animé par François Bon, en écho à un texte de Leslie Kaplan

2 commentaires:

estourelle a dit…

Souvenir d'amitié
dans une ville aimée
dans une école
peut-être...

Ange-gabrielle a dit…

L'enfant myope, les doutes qui s'insinuent, la future adulte en esquisse, l'univers qui fascine et séduit, effraie et se brouille. Disparaître, voir sans être vue, entrer dans une fissure, dans une encoignure, se repérer aux sons ; l'école, le pupitre et l'amie comme refuge.
Je te vois, le tablier peut-être ? ni salir, ni casser
Magnifique texte tout en pudeur, avec le minimum de mots, ni sentiments, ni émotions, tout à saisir entre les mots, dans les silences.