J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 14 octobre 2024

Ricochets/ 41

 


1/ Derrière moi, le rempart de pages noircies tentant de dire les vies fragiles, les tempêtes et les orages traversés, les joies aussi toujours entremêlées aux peines. Et tout l'invisible qui ne peut qu'être murmuré. Mais la force des phrases écrites envers et contre tout laissant la porte battante aux pensées qui vont suivre. Comme une pluie espérée qui coulerait entre nos doigts emplis de tremblements. Voir un peu plus loin.

2/ Les paroles balbutiantes qui errent entre les pages du doute, avec quelques bribes de réponses tentant de calfeutrer toutes les questions qui restent plantées comme des échardes sur le bout des doigts. J'aime cette parole qui tâtonne comme les mains sur le mur de la nuit qui cherchent une issue. Ignorance et vérité à jamais nouées entre les doigts, seul compte d'avancer encore un peu plus loin, les yeux ouverts.

3/ Curieuse de tant de choses, mes journées ne suffisent pas à étancher ma soif de lectures qui n'en finissent pas de ricocher d'un auteur à une autre. Et je lis que curieux ou curieuse est emprunté au latin curiosus, dérivé lui-même de curius, curia qui signifie soin, souci. Curieux ou curieuse veut donc dire qui prend soin de, qui s'inquiète. L'étymologie des mots serait comme un baume au cœur.

4/ Il voletait solitaire comme une âme en peine. D'une branche à une autre, d'une fenêtre vers l'autre. Comme si dans le bec un message à délivrer. Un mot à balbutier dans une oreille avide. Un roitelet sans doute égaré près de moi. Chacun du côté de sa vie, sur son sillon. Éphémère rencontre où c'est la vie qui crie. J'ai ouvert la fenêtre l'oiseau s'en est allé. En un écho.

5/ Un papier de soie pâle où palpitent des images qui jaillissent d'un passé que l'on pensait si proche. Mais près de cinquante ans ont glissé sur le papier glacé des ans, les visages ont fané et certains ne sont plus qu'une lueur de souvenirs. Au gré des ombres, on relit un peu sa vie, les chemins où le pied s'est posé, entre les ornières et les marches de trottoir ratées.

6/ Dans l'intervalle en soi, là où plus rien ne répond. Pas de pensées possibles, pas de phrases à prononcer, pas de réaction probable. C'est un ravin vertigineux. Se laisser couler. Se retenir aux parois. Laisser le temps faire son travail, laisser les heures passer. Ne prendre aucune décision. Juste user de patience. Attendre le temps nécessaire. Sans secours.On sait que cela cessera même si on ne sait pas quand.

7/ Un bleu d'aquarelle sur les plumes d'une mésange. Tout est flou ce matin. Entre les branches du bouleau je ne suis maître de rien. C'est le royaume des oiseaux. Ils me laissent les regarder, debout derrière les vitres. La vue les distingue petit à petit. Apprendre la patience. Derrière l'écrin de verre, dans les grumeaux du matin, je mendie quelques miettes de vie aux mésanges, juste un peu de bleu.

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