1/ Sur les lèvres du réveil, les vers d'un poème de Rimbaud appris durant l'enfance, mais il en manque des bribes qu'il faudra rechercher, la mémoire n'est pas toujours fidèle. Par petites touches, recoller les morceaux oubliés, qui renaissent, se ramifient et pouvoir murmurer le sonnet presque dans son intégralité. Le premier geste du matin sera de chercher les vers égarés, j'avais oublié de tirer les élastiques de mes souliers blessés.
2/ Si peu dans le présent de cet instant, celui qui a une valeur dont on n'a pas le loisir de goûter la saveur, si peu dans le ici, mais toujours en écho à me remémorer un moment du passé dont on corrigerait bien quelques aspérités, ou alors dans le songe d'un futur où être, et réaliser les projets qui me tiennent à cœur. Seule l'écriture crie l'instant, lui donne corps.
3/ Camille Pissaro suggère à Paul Cézanne d'éclaircir sa palette, de fragmenter les touches, de les orienter, et de restituer la sensation qu'il éprouve face au paysage. Mais combien de temps faut-t-il pour traduire cela ? C'est la sensation qui guide les couleurs, les mots, et qui laisse exister une forme d'authenticité. Et quand ce que l'on voudrait dire se tient caché sous terre, bien enserré entre les racines de l'obscur.
4/ Au bord de la musique qui coule, sautille dans le lecteur de CD. Chaque note veut danser seule. Et les accords les entraînent: j'écoute et vois les mains sur le piano seul médium des morceaux qui défilent et apaisent, sans savoir comment, mon esprit. Et Virginia Woolf en filigrane puisque c'est la musique du film The Hours, composée par Philip Glass. Tendre l'oreille au lent mouvement des ombres qui s'échappent.
5/ Ce serait comme fabriquer des couleurs. Sans se préoccuper de savoir la teinte que cela pourrait prendre. Les tonalités ont quelque chose à voir avec le pourquoi pas ou le à jamais ou encore pour toujours. Tout cela est malaxé comme de l'argile dont on a aucune idée de ce qui va se modeler entre les doigts. Alors disharmonie, sûrement, et une sorte de magma d'instants réels, d'un déjà là.
6/ Au fond des moments du jour écoulé. Ce qui s'est emmêlé entre les minutes et les heures sans savoir. Les intensités émotionnelles qui ont fluctué entre tendresses reçues et les doutes essentiels qui retentissent en écho. Se sentir comme un être primitif oscillant entre ombre et lumière, dans un déjà vu, un déjà accompli, un déjà phrasé. On voudrait écrire rond et doux mais les éclairs rejoignent toujours et encore.
7/ Je lis qu'être patient c'est avoir un long souffle. Je vis d'instant en instant, et plus les années s'amassent, plus le souffle devient court. Le kaléidoscope des jours est sensiblement toujours un peu le même. Dans cet univers enchevêtré de lianes, une trace s'est inscrite sur laquelle avancer. Sur les bas-côtés des ornières où ne pas glisser. À l'arrière-fond, des cavernes de brume et de bruissements où nulle envie d'aller.
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