J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 26 mai 2025

Ricochets/ Année 2 / Semaine 21

 


1/ Il suffit de marcher sur un chemin généreux au cœur d’une forêt de résineux et de feuillus mêlés, de ce pas lent et puissant pour se sentir pleinement être. Il suffit de respirer pour que s’éparpille ce qui pèse. Ce serait comme caresser de ses doigts le temps que l’on pensait disparu. Un amas de troncs d’arbres sur la bordure, des cernes de croissance, des morceaux d’écorce, de la lumière.

2/ Un monologue permanent se poursuit en esprit. Il part, prend des chemins de traverse, s’évanouit, renaît par une autre vision, se perd dans le labyrinthe mental, s’étiole sur le bas-côté du chemin et meurt dans les ornières du jour. Des idées s’égarent que l’on voudrait bien repêcher, mais elles se sont calcinées dans un trop plein de pensées. Porter le regard à perte de vue, écarter les ombres, poursuivre .

3/ Il reste au fond de soi encore un peu d’obscur. Une mélodie qui n’a pas trouvé la partition pour se transcrire. Une aube qui ne s’est pas levée, assombrie des brumes du monde. Un ciel de nuées sans étoiles. Mais une fenêtre s’ouvrirait, des volets se repousseraient, et cela parlerait une langue nouvelle pour dire, pour révéler ce qui n’est pas encore su.. Dans le cadre quelqu’un qui nous attend.

4/ Dans la tête, cela se bouscule : trop de projets en cours, trop d’envies , de pistes d’écriture, d’ateliers à préparer. Il faudrait pourvoir réaliser ses pensées dans l’instant où elles se pensent, qu’elles s’écrivent dans leur courant même dans un beau dossier bien rangé. Car, à rester flottantes, elles prennent des chemins de traverse, dérivent au loin, et s’échouent sur quelque plage abandonnée dont on oublie très vite l’existence.

5/ Dans mon atlas intérieur, il est des lieux et des noms que je garde avec tendresse. C’est un chapelet de petits coins solitaires où reprendre souffle, où entrevoir la vie différemment, où se sont incarnées des pensées, des décisions. Il suffit d’en prononcer le nom et le paysage s’ouvre, irrigué d’un flux de sensations. C’est une cartographie de sentiments, de désirs, de douceurs et d’imaginaire. Comme un océan de songes.

6/ Les oiseaux m’apprennent à m’immobiliser, à me mettre dans un état de suspension, d’interruption du geste qui était en chemin. Ils chantent, et le temps se met en disponibilité pendant leur mélodie dont on guette les trilles, les répons, les battements de vie. Ils relancent une écriture après ce temps suspendu, plus fluide, plus dense, plus aérienne. Ce qu’ils ont signifié reste inconnu, mais le rythme, la tonalité, la vivacité…

7/ Il faut lire lentement pour laisser à chaque mot le temps d'émettre toutes ses ondes. Laisser les échos s’élever d’entre les lignes que l’on parcourt et rebondir entre les cordes de l’esprit. Dénicher les éclats de vie qui sinuent sous les phrases, bien cachés sous des métaphores, des images paisibles ou rougies. Sentir trembler la main qui a écrit, qui a pris le temps et la force de les abandonner.

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