J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 20 juin 2025

Divagations/ 30

 


Des connivences se sont installées. Un échange avec Christine Jeanney, dont le Journal de bord des Vagues m’a tellement apporté et aidé dans mon immersion dans ce livre, se produit de temps à autre. Là, c’est à propos de sa traduction de la nouvelle de Virginia Woolf Kew Gardens, que nous correspondons. Après sa traduction, que j’ai suivie sur son site Tentatives, Christine qui est aussi plasticienne a réalisé un livret format flutter ( terme qui m’était inconnu!). Elle le présente ainsi :

« le livret Kg ressemble à un leporello, mais le leporello est d’ordinaire une longue bande de papier ou de cartonnette pliée sans qu’il y ait collage entre chaque page
le
livret Kg est un Flutter book, "flutter" signifiant en anglais palpiter, battre des ailes (ce qui rappelle le vol erratique des papillons de Kew gardens) » . Elle parle d’un texte devenu objet à façonner. Elle décrit également toute la méthode pour le fabriquer soi-même. Mes compétences manuelles étant nulles j’ai préféré lui demander un exemplaire tout prêt qu’elle m’a fait parvenir avec beaucoup de gentillesse. J’aime bien cette nouvelle, je prends d’ailleurs beaucoup de plaisir à lire ou relire les nouvelles de VW. Dans celle-ci, publiée en 1919, on retrouve la technique de narration liée au flux de conscience. La narratrice sillonne les allées du jardin de Londres, Kew gardens, près duquel Virginia a vécu dans sa jeunesse, et offre au lecteur des évocations de passants qui traversent les lieux ou se penche sur la vie des plantes ou animales que l’on peut y rencontrer. On se demande si ce n’est pas le jardin lui-même qui nous parle . Des promeneurs échangent des propos, une histoire pourrait commencer à s’écrire, mais ce sont d’autres personnages qui prennent le devant de la scène ou un escargot ! Nous traversons un tableau impressionniste, écoutons quelques voix, nous réfugions au cœur des plantes. Lire cette nouvelle à la vitesse de l’escargot...

À la fin de sa traduction et du journal de celle-ci, que Christine Jeanney nous offre, elle note ceci :

je fais toujours dans mon esprit le rapprochement entre la nouvelle Kew gardens et une boule à neige
un globe parfait que VW a retourné pour faire apparaître les petits reflets argentés qui dormaient au fond, et qui flottent quand elle écrit cet espace réduit qui est le nôtre, notre petit globe de monde, avec ses folies comme des cicatrices mal refermées, ses incompréhensions, les amours passés et futurs, ses épiphanies, ses guerres terribles et minuscules, son chatoiement, ses couleurs et ses formes offertes comme ça, pour rien, gratuitement, dans lesquelles les humains baignent sans s’en rendre compte
quelque chose de grave, terrible, tranquille
un "tout à la fois" complètement beau


 

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