1/ Tout n’est jamais dit. On voudrait un dénouement de la langue. Mais on ne se parle, on ne se lit qu’au travers d’un voile ou même d’une vitre. On entre à peine, si peu, dans la langue de l’autre. Des mots sont jetés entre les seuils, certains sont recueillis d’autres gisent encore sur la pierre. Il faudrait pour chacun, repasser par l’étymologie, pour tenter d’approcher ce qui est réellement énoncé.
2/ Un petit carré de coquelicots que le jour traverse. Un murmure inaudible puisque tu n’es plus là pour prendre soin de ce petit bout de nature, mais un murmure malgré tout dans cette enluminure qui arrête mon pas, me fait revenir en arrière. Un surcroît de vie au travers de ces fleurs, un petit signe par-dessus les mondes. Le pas sera différent, plus lent, enraciné encore et encore ici même.
3/ Il me semble simplement avancer sur le chemin de la vie de livre en livre. Et de phrase en phrase. À petits pas. Courir n’a jamais été ma manière d’aller. Mais marcher sans hâte à travers la forêt de mots, des images qu’ils provoquent, les taches de couleurs qui se diffusent, les articulations de voyelles entre les lèvres, et l’ouvert qui se déploie, se révèle comme une brèche du monde.
4/ Ne se pencher que sur le monde tout proche, le monde brut où se passe ma vie. Bien sûr suivre ce qui se trame dans l’actualité au fil des jours, être effarée par les évènements ici ou là, les catastrophes, les guerres, la brutalité des dires qui se prononcent, mais ici dans l’écriture, ne pas pouvoir en parler. Se réfugier dans cette sorte de solitude intérieure où sauver sa peau.
5/ La porte de nos pensées reste toujours entrebâillée pour laisser s’insinuer celles qui évoquent ceux qui nous ont quittés. Ils sont nombreux désormais et l’on pourrait égrener de nombreux prénoms de tous ceux qui ont compté pour nous, nous ont accompagné un bout de chemin et sans qui, bien sûr, nous ne serions pas ce que nous sommes. Ils nous manqueront toujours car nous n’en n’avions pas fini avec eux.
6/ Se sentir parfois à la jonction des mondes, réels et irréels, comment savoir. Accueillir des visions de tendresse qui nous viennent d’on ne sait où et qui flottent en soi comme une réalité sur le seuil incertain de nos songes. En coup de vent, comme un souffle qui ouvre la porte, un arpège qui sonne sur le clavier des sensations. Et tout repart comme s’est venu dans un mince silence.
7/ Par saccades constantes se déroulent les jours. Entre elles, juste un tiret. Le temps de reprendre souffle. Vivre par à-coups, faits d’envols et de chutes, d’arrêts au bord de l’engourdissement, puis de secousses pour repartir encore. Errer entre les alvéoles du cerveau, éviter les failles inévitables, soulever les voiles qu’il reste encore à dévoiler. Laisser aller et venir les vagues de pensées, vivre dans ce va-et-vient qui n’en finit pas.
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