Mardi 29 avril 1930
Et
je viens juste de terminer, avec ce dernier trait de plume, la
dernière phrase des Vagues. Il me semble qu’il fallait que je note
cela pour ma propre information. Oui, cela a été le plus grand
effort intellectuel que j’aie jamais fourni ; du moins, les
dernières pages. Je n’ai pas l’impression qu’elles retombent
comme d’habitude. Et je crois m’en être tenue avec une rigueur
ascétique à mon plan initial. C’est là le meilleur compliment
que je puisse m’adresser. Mais je n’ai jamais écrit un livre si
plein de trous et de morceaux. Cela demandera une reconstruction,
oui, et pas seulement une remise en forme. Je crains que la
construction ne soit mauvaise. Tant pis.
J’aurais pu me contenter de quelque chose de facile et de coulant.
Mais ce que j’ai fait marque un effort pour atteindre cette vision
que j’ai eue à Rodmell durant ce malheureux été, ou pendant les
trois semaines qui ont suivi La Promenade au phare. (Et cela me
rappelle que je dois trouver en toute hâte une nouvelle provende
pour mon esprit, sinon il va se remettre à picorer misérablement.
Quelque chose d’imaginatif et de léger, si possible, car après
les premiers moments de soulagement divin, je vais me fatiguer
d’Hazlitt et de la critique ; et je prends agréablement
conscience de tout ce qui s’ébauche à l’arrière-plan de mon
cerveau. Une vie de Duncan ? Non, quelque chose à propos de
tableaux illuminant un atelier. Mais cela peut attendre.)
Et je pense en moi-même en marchant le long de Southampton Row : « Voici que je vous ai donné un nouveau livre. »
Virginia Woolf "Journal d'un écrivain" traduction de Germaine Beaumont
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