J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 4 novembre 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine 44

 


1/ Sur la vitre du rêve, tout se délite, se dilue, s’efface en douceur, comme la vague s’avance sur le sable et recouvre tout ce qui était rugosité des grains, creux et dessins pourtant bien arrimés. Ainsi se déprend-on du soi de la nuit, de cet autre corps qui mène une vie parallèle, de sa chaleur, des richesses dont au matin on ne soupçonne plus rien, et qui nous laisse orphelin.

2/ La vie comme un journal aux pages froissées. Aux écritures dans tous les sens. Aux lettres minuscules ou majuscules, en gras, en italique, en différentes polices de caractère. En une langue dont le sens est perdu et qu’il faudrait traduire pour comprendre ce qu’il s’est passé. Avec des pages perdues ou déchirées. On feuillette à la recherche de ce qui se tient caché, cette lumière qui ne fait que clignoter.

3/ Chacun habite dans sa cabane à lui tout seul. Où se déplie la carte de son esprit. Des braises, des cendres, des étoiles, un monde à part, balafré d’éclairs, où il n’y a pas de place pour d’autres. Il est bon de s’y enfermer de temps à autre, d’en toucher les parois, pour avancer plus loin, mais jamais perdre de vue quel soi on cherche à habiter et à faire vivre.

4/ De sauts en éclats, né de choses lues ou prises au vol dans une conversation ou entendues par hasard lors d’une émission de radio dont on ne se souvient absolument pas quel quel pouvait bien être le propos, si ce n’est ces miettes de mots qui sont restées en tête toute la journée et que l’on a cherché, par des moyens mnémotechniques à ne pas perdre : une pastorale des peurs.

5/ Laisser des traces ou chercher des traces en soi qui sont en mouvement vers les steppes de l’oubli. Essayer dire ce que l’on tente de retenir, de déchiffrer ce qui se passe en soi et qu’il faut traduire. Et que malgré tout et malgré soi quelque chose reste et continue un peu à dire ce qui fait qu’une vie a toute sa valeur. À l’aveugle alors des mots se posent.

6/ Seulement le souffle du vent. Besoin de rien d’autre. Laisser les feuilles voler tout autour de soi avec les morceaux d’ombres qui les escortent. L’eau du fleuve s’écoule sans se soucier des regards qui la suivent. On ne serait pas là, tout continuerait à se passer de la même façon. On ne sert donc pas à grand-chose, je le savais depuis longtemps. Laissons s’envoler aussi des pensées aussi insipides !

7/ Insaisissables sont les leviers qui font que, à un moment donné de la journée, l’on se tient forcément devant le clavier ou la feuille blanche avec un stylo choisi, pour extraire ou plutôt laisser monter d’un intime, dont on ne maîtrise presque rien, ce qui attend d’être écrit. S’attabler face au désir de faire face à ce qui se trame en soi. De ce qui va nous rejoindre au matin.



Aucun commentaire: