J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 24 novembre 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine47

 


1/ Un effet de décalage constant, et probablement de sauvegarde de soi, fait que l’on évolue en marge des évènements du monde. On se raccroche aux rires des enfants qui nous sont proches, à leur langue qui est en bouton mais pas encore en éclosion et qui possède ainsi un devenir et la joie de la découverte, de la surprise de ce qui va se dire. Un dire de mots neufs.

2/ Un filtre s’interpose en permanence entre ce que l’on regarde et ce qui est regardé, comme pour se protéger mutuellement d’un regard dérangeant. Nos certitudes se font vacillantes, et c’est tant mieux. Ce que l’on croit voir nous emporte souvent beaucoup plus loin que ce qui est simplement sous les yeux, le cerveau déconnecte d’un réel et sinue vers des territoires anciens où des miroirs ne sont pas si éloignés.

3/ Plus grand que soi serait ce qui se fige dans les lignes qui s’écrivent sur la page ? Ce serait surtout quelque chose qui va creuser dans un terreau en jachère, dans une poignée de terre où rien ne semblait exister. Des mots banals s’élèvent, eh bien recueillons-les, sans trop savoir où ils vont nous entrainer. Espérons juste une clairière où respirer plus large avec des chants d’oiseaux nouveaux.

4/ Lorsque voir devient regarder. Et pas seulement avec ses deux yeux. Mais regarder de tout son être. Jusqu’au bord de sa peau. Avec toute sa sensibilité et son histoire. Avec aussi toute la puissance cachée de la langue qui sommeille en soi. Entre l’œil et le dehors, ce qui est donné à voir n’est pas inerte, cela entre dans le champ des mots et de sa propre langue. Regarder voir.

5/ Pour écrire a-t-on besoin de muscle ou de souffle ? De silence sûrement et d’un temps devant soi. D’un peu de recul et de livres autour de soi. Et les mots du quotidien. D’une fenêtre qui donne à songer. D’un ciel que le sommet des arbres cherche à rejoindre. De quelques oiseaux qui passent sans savoir. D’un rouge-gorge qui se pose un instant. D’une polyphonie donc de tous ces entrelacs.

6/ De l’importance des verbes. Ce sont eux qui montrent le plus ce qui se déroule en soi, qui font que cela advient. Et les plus forts d’entre eux seraient sans doute les verbes être, regarder, chercher, ressentir, écouter. Ils sont très communs, on les utilise sans réfléchir, mais il faudrait leur rendre leurs lettres de noblesse et les considérer comme une approche de quelque chose en devenir : une annonciation.

7/ Chacun arpente ses gouffres. Aux confins de qui l’on est ou que l’on tente d’être. Et dont on cherche à ramener des bribes de soi, de ce qui nous a fait vivre, espérer, penser, et qui après tant d’années se réduit à quelques taches sombres. Et à chercher, et peut-être trouver dans la luminosité qui émane du noir, dans ce miroir réfléchissant les sillons, le creux dense de nos pas.



1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Comme il faudrait que tous ces écrits, tes écrits, soient conservés quelque part et accessibles à tout un chacun, quand il-elle en a besoin ... et pour cela quoi de plus efficace que le livre paru, diffusé.
C'est pour quand Laura ??? Penses-y, de + en + fort