J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 22 décembre 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine 51

 


1/ Sans doute est-ce ma phrase préférée de Georges Perec : Vivre, c'est passer d'un espace à l'autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner. La retrouver au hasard des errances numériques* me dit que je ne suis pas la seule à tenter d’éviter de me heurter aux murs qui jalonnent nos vies et d’arriver à progresser entre les différents écueils qui nous guettent au long des existences..

2/ Quand on se tient aux périphéries des mondes qui nous cernent, notre regard n’est balayé que par un vent de froideur. On fixe de loin ce qui remonte jusqu’aux bordures des lieux habités par le commun des mortels et on laisse monter en soi des pensées d’ordre général, vierges de toute densité, de toute profondeur et on ne prononce que des phrases froides sans aucun intérêt. Des phrases droites, sèches.

3/ La mémoire fragmentée du temps où on a appris à lire, et à écrire. J’ai le souvenir de l’apprentissage de l’écriture, et de mes doigts tachés d’encre par la tentative de formation des lettres à la plume trempée dans l’encrier du bureau de l’école, mais je n’ai pas celui de la lecture comme si j’avais toujours su déchiffrer les mots qui s’affichaient devant mes yeux. La lecture c’est ma mère.

4/ Des fragments de langue venue de l’enfance reviennent parfois entre nos lèvres, comme si l’on se mettait à parler dans une langue étrangère qui transiterait quelques instants par le biais de notre corps. De par leur sonorité lointaine les mots ont alors une manière bien à eux de résonner comme s’ils émergeaient d’une grotte sombre et se heurtaient aux parois de pierre. Peut-être même espèrent-ils un écho ou une réponse.

5/ Il y a des jours où les échos de la vie d’avant surgissent avec la sonorité d’un appel lancé au-dessus d’un puits. Un vase que l’on renverse et qui déverse sur le parquet son contenu de cailloux blancs, de petits morceaux, d’écorces rouges, de pommes de pin, d’une fleur blanche en papier : le dernier cadeau offert à quelqu’un qui n’est plus et que l’on conserve depuis bientôt dix-huit ans.

6/ Le début d’un chemin a toujours de la joie en lui. Il est empli d’un bruissement de désir, strié d’une sorte de naïveté que l’on souhaiterait bien conserver tout au long. Laisser ce courant porteur d’envie nous envahir là sur le seuil d’un devenir, irrigué d’imperceptibles pensées qui vont nous soutenir, nous guider dans la marche, nous éviter les écueils probables et nécessaires. Avancer pas à pas sans se soucier.

7/ Image en tête qui s’incruste sans savoir pourquoi d’une pierre plate lancée comme pour faire des ricochets en direction de son passé. Sur quel évènement, quel moment clé de l’avant de soi heurterait-elle et réveillerait ainsi dans les fibres du corps les sensations ressenties alors ? Et de rebond en rebond ferait-elle renaître tous les soi qui nous ont constitués et ont fait ce que nous sommes en ce jour.

* dans le journal de Karl Dubost https://www.la-grange.net/2025/11/21/http-query

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