J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 30 avril 2020

Cimetière

 
Elle avance à l’orée des morts.
Dans le silence des jours où l’étrange submerge. Un rien la remue. Le dos d’une statue, les plis d’un vêtement. Par-delà l’immensité d’un temps dont on ne sait plus rien, elle pose son regard sur cette silhouette, là, sans bouger.
Tous les jours le dos de cette statue s’offre à la convoitise d’en savoir davantage, une attente se crée, un songe, une ombre.
Il n’y a que ce dos, cette nuque, ce bras, cette chevelure, et tout le reste elle cherche à l’extirper du néant.
Lèvres d’aube déliées des alvéoles du temps. Quels visages faudra- t-il libérer ? Souffle coupé elle sait qui gît là oublié. L’ébauche d’une fillette, encore un bébé, qui n’aura pas eu le temps de jouer avec des cubes ou de rire aux éclats.
Entrevoir les lueurs d’un visage, des pensées d’innocence et derrière les silences, l’énigme d’une vie, des joies, des peines, des manques. Un détail, un éclat, une brisure.
Une présence évanouie.


1 commentaire:

mémoire du silence a dit…

A celui qui sait entendre le silence,
les cimetières disent des fragments de vie.

Un très beau texte, merci.