J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 4 juin 2024

Ricochets/ 22

 


1/ Y-a-t-il d'infimes secrets prêts à s'exhumer dans ces sortes de tiroirs qui se déplient par les côtés? Cet objet, ce petit meuble, ce rêve d'enfant, ce souvenir qui se tenait serré entre les pages du catalogue de Manufrance, consulté chaque jeudi chez ma grand-mère, suscitant mon imagination et le désir d'y cacher mes trésors d'enfant, se tient désormais, fier, dans mon bureau, en attente des rêves d'un je d'aujourd'hui.

2/ L'impalpable de ce qui est secrété dans la fluctuation des souvenirs, qui surgissent d'une odeur, d'une rencontre, d'une photo, de la vue d'un objet ou d'un lieu. Un minuscule grain de beauté sur le visage du temps qui est passé, un fanion au bord de soi. Inviter cette goutte de mémoire à irriguer les rides du visage d'aujourd'hui, à étirer le sourire jusqu'aux commissures d'un temps qui nous a édifiés.

3/ L'inconnu qui s'infiltre entre les mots qui s'écrivent. À la découverte des lettres, des mots, des phrases qui se forment ou se déforment au fur et à mesure que les doigts tapent sur le clavier d'ordinateur, s'ajoute l'inconnue qui se révèle dans le geste même d'écriture. Ce double en soi qui s'épanche, délivre des sentiments ou des sensations, à qui j'offre une forme d'existence, le temps de taper ces lignes.

4/ Est-ce que, en écrivant, on se met en déséquilibre? Ou au contraire est-ce qu'on cherche à retrouver l'équilibre qui semble faire défaut dans la vie quotidienne. Voilà le genre de questions qui soudainement se posent au petit matin, entre le thé et les tartines, et dont je n'ai pas la réponse, mais une petite idée malgré tout.. Sans écriture, je boîte, comme je boîte dans la vie de chaque jour..

5/ Le lierre a regagné les murs et recouvre ce hors-soi comme une protection face au monde du dehors, celui qui suinte de détresse. Il y a là comme une grande cape à l'abri de laquelle on se tient, recroquevillé en-dessous, pelotonné comme un enfant sous sa couverture, serrant entre ses doigts une peluche, un mouchoir, quelque tissu de douceur, dans l'attente de la nuit éternelle qui va tous nous recouvrir.

6/ Qui se tient derrière cette pensée fugace, presque arrivée là par erreur, qui se dérobe aussi vite qu'elle a surgi, et qui nous laisse pantois au bord du sentier où l'on marche sans savoir où l'on va ? Est-ce un je qui agit en silence, un je nouveau ou qui tente de se renouveler et de nous faire découvrir des chemins d'incertitude ? Un écheveau neuf de je à démêler.

7/ Tenter de retrouver le fil des pensées qui se nouent les unes aux autres, sans véritable raison, mais qui tissent le jour et lui donnent ce camaïeu de bleu ou de gris . Et comment l'écriture fait son miel de ce kaléidoscope de voix, de murmures qui se diffractent, créant des figures à l'infini. Comme un monde enchevêtré au cœur d'une jungle de couleurs et de mots, d'où renaître encore.

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