J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 28 août 2008

Géologie




Parfois je me réveille avec un goût d'écorce
en bouche, un goût qui vient de la montée des sèves.
Peut-être ai-je connu un grand bonheur là-haut
et dormi dans la cérémonie des branchages
quand se faisait l'accouplement des eaux du ciel
après l'hiver velu dans le tronc paternel.

Peu- être dans l'enfance ou sa vaine poursuite
peut-être en ce délaissement de la lumière
ai-je entendu cela qui me dit à voix basse:
n'espère plus. tiens-toi ferme dans le silence.
Alors de rien, ainsi qu'un saut de truite à l'aube
je bondirai dans l'espérance, un bel instant.
Peut-être étant sorti du cercle de la lampe
dormeur , ai-je touché la trame de la nuit.
Peut-être ai-je entendu celle qui m'a guidé
depuis l'eau tendre et maternelle, par les fleuves
du temps griffu, vers le lieu où l'on doit se rendre,
disant:il ne faut plus vouloir. A quoi bon!
Etre ou vouloir, telle est la question qui se pose.
Arrête enfin cette machine, si tu veux
entendre l'être et l'épouser aux très profondes
noces. Alors dans cette aire bien nettoyée
vide et sans rien que les beaux présents de la terre
les forêts deviendront la volonté de l'arbre.

Henry Bauchau "Géologie"

1 commentaire:

den a dit…

ne plus vouloir pour être. c'est ainsi qu'il faut vivre, me semble-t-il, mais lacher, laisser être exige une présence de chaque instants et nous sommes si facilement distraits....