J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 7 octobre 2011

Du domaine des murmures

Un menu souffle se lève sur le blanc de la page, se faufile entre les pierres, nous remue l'âme, et c'est dans son haleine que s'esquisse l'ombre vibrante d'un château semblable à ceux qu'on se bâtissait enfant. Et ce sanctuaire spectral dévore le monument majestueux qui se tenait historique et solide sous nos yeux, il y a quelques secondes à peine. Les murmures dessinent des ombres fugitives sur sa façade austère et nous attendons le coeur battant, nous attendons d'y voir plus clair.
La tour seigneuriale se brouille d'une foule de chuchotis, l'écran minéral se fissure, la page s'obscurcit, vertigineuse, s'ouvre sur un au-delà grouillant, et nous acceptons de tomber dans le gouffre pour y puiser les voix liquides des femmes oubliées qui suintent autour de nous.

Carole Martinez " Du domaine des murmures" ( Gallimard juin 2011)

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