J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 7 juin 2012

Silences

J'écris pour trouver la langue du silence. Cette langue inépuisable, imprévisible et puissante capable d'accueillir indifféremment mes anges et mes démons. Souvent les premiers se glissent à pas feutrés et s'installent du côté gauche, celui du cœur, avec l'assurance de ceux qui auront le dernier mot. Les seconds prennent quelquefois possession de tout le reste, me touchent le ventre, me défont les cheveux, me tirent jambes et bras dans tous les sens avec dans la bouche des mots tranchants comme des lames ou des mots miel si doux, si doux que j'en oublierais mon nom.

J'aime les silences d'après-midi, anges et démons à égalité de séduction et de désir. Dans le grand tohu-bohu du jour ils se mettent à couvert, attendant les silences du crépuscule, trempés de mauve et d'orange pour faire place nette aux grandes sarabandes de nuit.

J'aime les silences de nuit quand mes démons pensent avoir le beau rôle, dépassent les bornes et menacent de tout prendre, les cheveux , le ventre, les jambes, les bras et même le cœur. C'est l'heure où mes anges se taisent et me regardent faire, bien calée sur mes vertiges.

J'aime les silences ouatés du "devant jour" entre sommeil et éveil, les silences "nan domi", quand les dieux dansent derrière mes paupières et que les anges leur indiquent l'endroit du cœur.

Et puis il y a les grands silences blancs. Blancs de tout. Blancs de rien.

Il m'arrive d'habiter mes silences comme une seconde peau et de chercher encore cette langue maternelle.

Yanick Lahens "Lexique nomade Assises du roman 2011" (Christian Bourgois éditeur)

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