J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

samedi 30 janvier 2016

En cheveux




Nella aimait l'idée que l'on puisse voir à travers les corps, elle était fascinée par les radios et les planches d'anatomie. Elle se gardait parfois pour elle seule des os blanchis jusqu'à devenir translucides. Je crois qu'elle aimait les bois pour la même raison de transparence contrariée, de luminosité en alternance, je crois que ce qu'elle aimait dans les bois, ce n'était pas l'ombre, non, c'était la lumière au contraire, piégée par les fentes des frondaisons, tombant en rayons comme des branches cassées, ou réservée au regard de bascule en arrière, vers la rosace du ciel dessinée par les hauts épicéas lorsqu'elle se laissait aller allongée sur le dos dans une courte clairière. Y voir menu, apercevoir par les trouées, c'était ce que ma tante préférait. La lumière à travers. Et, elle ne l'aurait avoué pour rien au monde, elle aimait les cadres, les enclos et les cloîtres. Elle avait besoin de limites, de frontières: étrangement, elle s'y sentait plus libre.

Emmanuelle Pagano " En cheveux" ( Musée des Confluences)



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