Au creux des vagues
claires, ce sont cent bras qui plongent sur les pieds blonds des
blés, coupant dans leur élan les tiges lourdes d'avenir. La terre
est en sursaut, le ciel ne bouge pas. Les mollets rougis par la herse
de l'éteule, les bras chargés de gerbes, les enfants bâtissent de
petites huttes de lumière où leurs songes se réfugient. Ils
piétinent, cela craque, ils croquent un grain volé.
La chaleur sous le
chapeau , le bourdonnement des mouches que l'on chasse d'un revers de
main pour cueillir le verso du silence, l'odeur de paille coupée –
ce parfum de l'été - , les lingots d'or dressés avant d'être
entassés sur le plateau du char, les cierges roses veilleurs des
bas-côtés au doux nom d'épilobes, la sueur sur les fronts, la
tristesse de ne plus voir la caresse du vent sur l'océan d'ici…
A la porte dérobée du
champ, les ombres douces où boire l'eau teintée de rouge, mordre
dans le pain et les morceaux de sucre, des brins de paille dans les
cheveux rire de fatigue et de joie partagée, ne plus entendre les
voix qui appellent, être dans cette absence au monde et à l'aube de
la vie, franchir l'au-delà d'horizon d'un simple coup d'œil et,
délivré de la langue, endosser le silence.
Laisser le regard errer
sur ce champ de chaumes, poème en gestation, table de banquet pour
les oiseaux gourmands, qui bientôt, mordu par le soc de la charrue,
laissera les sillons se creuser au pas lent du laboureur. Garder la
vision de la houle des blés plus hauts que les regards, le ciel nu,
les petites cabanes de rêve, l'amertume du grain de blé bien avant
de savoir que La Terre déchirée recommence le Jardin *.
*Gustave Roud
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