Cela appelle, je ne sais pas d'où mais cela appelle,
d'une voix sourde, lointaine, masquée, c'est peut-être une rumeur qui
vient de l'océan, ramenée par les vagues sur ce rivage désert où je me
tiens en alerte, sur le qui-vive et comme habité par la houle, une
certaine façon de tanguer dans la langue et même un certain goût pour la
naufrage, j'aime à imaginer que je dois ma survie à cette chose
précaire et fragile, un morceau de bois déchiqueté, un mot brisé auquel
je m'accroche dans la tempête, m'abandonnant ainsi à la dérive du Verbe
comme il vient, balloté, emporté par la phrase sans trop savoir où elle
me mène, ce qui est sûr c'est que ça remue dans mes confins, ça s'agite,
ça fait des trous et même des bulles, l'horizon est déchiré d'éclairs,
l'on dirait que la mer s'enflamme, que le ciel tout entier tombe dans le
brasier, c'est dans ma bouche que cela brûle et j'attise le feu avec ma
langue, la charnelle, la pulpeuse, fouillant les cendres,......
Alain Roussel "La phrase errante" ( Editions Le Réalgar 2017)
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