J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 18 avril 2018

Un livre blanc

J'imaginais toujours que les zones blanches seraient faciles à repérer, leurs limites clairement visibles sur le fond de la ville. Ce n'était, bien sûr, jamais le cas: à mesure que j'approchais, la carte cessait brusquement de décrire le réel et devenait un document inutile dont les formes abstraites, quel que soit le sens dans lequel on les plaçait, ne recouvraient plus le paysage. Mètre par mètre , il fallait reprendre le dessin, comme on défait une broderie qui s'est éloigné du patron.

Dans ces moments de flottement, je pensais immanquablement à SOS Météores. Un passage de cette bande dessinée d'Edgar P. Jacobs montre le professeur Philip Mortimer errant dans la banlieue parisienne à la recherche d'un parc dans lequel il a pénétré la veille par erreur durant une tempête de neige. La première planche reproduit la carte dont s'est muni le héros et, tandis que ce dernier refait son trajet et tente de faire coïncider ses souvenirs avec les lieux traversés, l'auteur dessine, case après case, les endroits qu'il nous a d'abord montrés sous forme de plan, représentant chaque maison, chaque route, avec les mêmes lignes économes et les mêmes couleurs primaires que celles qu'emploient les cartographes: la carte, sans cesser d'être langage, devient tableau.

Philippe Vasset "Un livre blanc" ( Fayard 2007)

2 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Je me souviens lorsqu'à l'Enise, P Vasset a parlé de ce livre que j'avais tant eu le désir de lire alors, mais que je n'ai toujours pas lu. Si tu y penses, on échange -le temps d'une lecture- avec Kandinski

Laura-Solange a dit…

Je l'ai emprunté 0 la bibli du Design; je le rends aujourd'hui!