L’orage
semble à bout de forces, l’eau s’écoule encore un peu de la
toile qui protège
la terrasse du café avec un clapotis qui fait presque sourire. Un
employé passe une raclette pour évacuer le trop plein d’eau qui
s’est insinué: le frottement répété du balai , les gouttes
d’eau qui tombent avec régularité puis finissent
par se raréfier
pourraient s’inscrire
sur une partition ….
Attendre encore un peu avant de repartir. Les conversations vont
bon train à la table voisine – des vies sont déballées sans
pudeur – , une fenêtre s’ouvre sur l’immeuble en face et
laisse s’échapper le son d’un violon où l’archet n’est pas
très
sûr et les gammes hésitantes, des passants marchent seuls,
téléphone collé à l’oreille et parlent fort, trop fort pour
celui qui n’a rien à faire de leur soliloque
encombrant
– on se souvient de ces vieux qui parlaient tout seuls dans la rue
et on s’éloignait par précaution ou on riait – , des martinets
ou des hirondelles reprennent leur ballet avec
des cris stridents, le tintement du tram au loin comme un rappel du
lieu où l’on est, un triple éternuement secoue toute la ruelle –
un ogre sans doute – et fait rire un groupe de
jeunes gens près de la fontaine parlant des sujets du bac philo
passé le matin, la sirène d’un camion de pompier prend le relais
– mais la caserne n’est plus sur
la place depuis quelques
années déjà – , au
loin les cris virulents
des enfants qui sortent enfin dans la cour de récréation et
se libèrent de tous les mots enfermés et contenus pendant les
heures de classe , se
mettre à écouter vraiment
toute cette nappe sonore et
se
dire qu’écrire les bruits c’est leur donner de
l’ampleur
, alors chercher avec acuité
les bruits infimes, ceux que l’on ne remarque
plus dans le quotidien: une
chaise qui racle le sol, des
verres qui s’entrechoquent derrière le bar,
des pièces de monnaie qu’on pose dans la coupelle sur la table, un
verre qu’on repose un peu vivement; passer d’un son à un autre,
y chercher un rythme , une
harmonie, quelque chose qui s’allie au corps, aux battements de
cœur…. Sans
réfléchir, emboiter le pas
de cet homme qui a sifflé
quelques notes en passant devant la terrasse et
marche avec noblesse, se
glisser dans cet inattendu, en
murmurant quelques mots de Virgile “ La déesse se reconnait à son
pas”….
9 ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 9) pour
l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site
Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".
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