J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 6 juillet 2018

Il pleut

Il semble regarder dans l’au-delà de la pluie , quelque chose ou quelqu’un qui va sans doute arriver, qu’il attend peut-être mais qui n’en finit pas de ne pas être là….Attablé dans un bar et tourné à demi sur sa chaise en direction de la rue, alors que se réchauffe un verre de bière sans qu’il n’y porte les lèvres, une main posée négligemment sur la cuisse, cet homme jeune n’est qu’attente, tandis qu’un parapluie, près de ses longues jambes, s’égoutte avec application et commence à laisser naître ce qui sera bientôt une flaque que le sol du café un peu sale, en cette fin d’après-midi, laissera s’étaler sans problème. Les sourcils se froncent, cherchent à déchiffrer derrière chaque passant courbé sous son parapluie si , oui ou non, la personne espérée est cachée dessous. Il consulte son téléphone portable, soupire, avale une gorgée de bière, secoue sa jambe de pantalon qui a absorbé un peu de l’humidité de la toile du parapluie , et reprend sa consciencieuse attente, avec un regard fixe, presque gonflé d’angoisse. Pour qui l’observe, un roman s’ébauche avec options variables: oui la jeune fille ( le jeune homme) espéré arrive enfin et ils s’étreignent avec force; non, la personne attendue n’arrivera pas et ce personnage ( car il est désormais devenu personnage) finira son verre, laissera sur la table quelques euros, puis la pluie faiblissant d’intensité repartira et disparaitra dans la ruelle. On sent confusément que sa journée n’a plus aucun sens et que sa démarche a pris quelque chose d’indolent et qu’une sorte de poix retient ses pas qui ont du mal à retrouver une démarche juvénile. Sans cet orage malencontreux, l’autre l’aurait-il rejoint ?


8 ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 8) pour  l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".

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