À l’angle de la nuit, l’hésitation
cherche le passage, tâtonne et trouve le dehors incertain. Comment
se laisser frissonner du manque ou comment laisser les révélations
se déraciner de l’ombre, s’extraire de l’inextricable buisson
de ce que nous connaissons si mal. Renaître entre les rives du poème
de la nuit où chaque souffle se fait récit et l’encre
sympathique. Avancer sur cette passerelle de détresse dans
l’oscillation de la langue. Aux quatre angles de la nuit, les
cordes nous ramènent sur le ring, les phrases ne peuvent s’achever,
les mots font défaut, la syntaxe s’égare… Dire ne sait pas où
aller. Ecrire la nuit ne dépend pas de nous. C’est le perdu qui
prend le pas dans les tranchées de ce qui s’écrit, le vertige se
cartographie, des venelles se tracent, et une véronique où le poème
affleure nous fait face. Les passages secrets s’introduisent
quelques pas plus loin, et l’on voit s’envoler une chouette,
plonger une chauve-souris près d’un lampadaire, ou s’échapper
de soi des mots que l’on ne connait pas. Reste à écrire, à
laisser écrire ce qui s’impose, à se laisser embarquer dans une
langue qui n’est plus maternelle, mais matricielle. Laisser les
morceaux de mots déchirés s’éparpiller, se télescoper, ouvrir
la terre et fertiliser.
À l’angle de la
nuit, dans cet écartement où l’on est en alerte , démuni face à
la forêt où l’on doit se tenir, dans la dissonance des yeux où
tout est à redéfinir, on tâtonne, on avance à pas lents, on
s’arrête. On bute sur cette saillance intérieure où les doutes
sont cloués aux murailles. On reste dans cet arrière silence où la
phrase se tient, on rêve d’un alexandrin qui donnerait le rythme
au début, lancerait le pas, amorcerait le tremblement et d’un
souffle pousserait des mots qui délivreraient les lumières. Il ne
reste qu’ à errer dans la nuit d’un livre, se blottir entre ses
pages, se laisser disperser, ensemencer, altérer .
À l’angle de la
nuit, à ce point d’incidence où les majuscules et les points
s’effacent, où les virgules sont passées par-dessus bord depuis
longtemps , où la grammaire n’est plus d’aucun secours, le début
de quelque chose peut apparaître dans les tâches du buvard, dans
les coïncidences qui hésitent sur la feuille, éparpillées.
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