Par la fenêtre, battements de cœur à
tout jamais obturés, gorge rouge tendue vers un ciel de rouille, œil clos quelque part dans la marge d’un quotidien qui ne
s’énoncera plus jamais, bec serré sur le chaudron des sons qui
ne pourront plus être prononcés, plumes se frottant aux ailes de
l’invisible, là où le réel a perdu sa place . Le cadre de l’œil
est fixé par cette réalité qui, à quelques jours d’intervalle
se reproduit: le rideau de la vie tombé sur le corps de l’oiseau
mort. On voudrait, d’un pas de côté, déplacer la ligne des yeux,
bouger le cadre, se glisser dans l’interstice de ce qui vit encore,
par la langue se saisir de la violence de l’instant où tout se
tait et s’effondre, où la tête ne porte que le masque de qui a
été et bascule dans l’absence, où se guette une fluence de la
respiration en suspens, un retour saccadé, une graphie neuve
naissant d’un brouillon secret, extirpé d’un temps qui ne pulse
plus, on voudrait bouger ses lèvres pour dire le muet, ce qui n’a
pas encore été dit, écrit, ce qui se perd dans le tunnel de
l’oubli, faire refleurir des lambeaux de phrases du désormais
jadis. Par les nappes de brume, par l’opaque et le flou , par
l’impuissance et l’épuisement, par le dernier effort vers
l’effacement, par l’infini dédale des chemins dérobés, c’était
un rouge-gorge, un poète, passant l’au-delà du mur.
Comme si les mots pouvaient sauver
quelque chose*.
*Antoine Emaz
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