J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 13 mai 2019

Hodie, songe


Une phrase s’échappe d’un texte l’extraordinaire commence au moment où je m’arrête* et mes yeux, toujours prêts au lapsus oculi lisent: l’extraordinaire commencement où je m’arrête...Alors je m’arrête et espère l’inattendu. Je me pose entre ces mots pour tenter de m’infiltrer dans la partition et de jouer mon propre son sur cette peau sensible. Etre suspendue à cette tentative de liberté, vouloir y inscrire l’espace du songe




laisser les herbes folles s’y épanouir, des voix se rencontrer, des polyphonies se créer, des livres perdus s’écrire, des possibles se mettre à frémir, des lendemains se glisser dans  l’hier, et un demain filtrer sous l’invisible, des fils se nouer, un passé revivre, un futur se dessiner... Faire buissonner tout cela quand, saisie à la gorge par les mots, le réel n’a plus rien d’une réalité, mais est pavé des impossibles. Les ombres fleurissent, les cerisiers étreignent, des flammes de lierre méditent entre les pierres, et derrière la vitre les entrelacs d’eau bleuissent les franges des nuages. Espérer la nuit et sa lumière de cendres, se rêver somnambule entre les arbres , marcher avec des sandales de paille en cherchant une voie s’échappant des sentiers battus, se laisser guider par une sente étroite où se laisser griffer par les ronces , lécher le sang qui perle sur la peau jusqu’au frisson, se dire: je suis plein d’émois, mais quelle aventure! Déclamer un poème des Contemplations où la sereine lueur n’en finit pas d’éclairer le front du rêveur. De simples mots où se lover.
*Maurice Blanchot

2 commentaires:

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Un bouquet d'utopies suffisant à faire naitre le rêve.
Superbement écrit.
Amitiés.
Roger

Laura-Solange a dit…

Merci Roger pour ce passage en ce jardin.