J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)
dimanche 2 février 2020
La corde de l'ombre
Je voudrais vous parler comme on parle à un brin d'herbe
de l'ombre
qui n'est pas la mort de la lumière non
mais ensemble son revers et son repos
l'ombre ne suit pas comme on dit son homme
elle le prolonge
elle est son corps son geste et son désir
continués hors de lui
comme la parole le rire ou le sanglot
ainsi toute chose se survit dans son ombre
elle est la forme de son secret
l'ombre dit: je suis le secret qui s'avoue mais demeure secret
car je ne trahis pas
l'ombre le plus souvent se tient immobile
gardienne discrète d'une pensée perdue
s'il y a partout dans le monde des cris et des chants
l'ombre en elle-même est silence
peut-être en est-elle même la couleur
quand il vient le silence à tomber de la branche
ou de l'épaule
quand l'ombre couvre un ruisseau une rue le serment des
amants
intimidés ils se font murmures soudainement
et ne sont plus que le son d'une harpe lointaine
ô justice donc pour l'ombre la mal-aimée
délicatesse infinie qui ne pèse pas
ni ne coupe ni ne brise ni n'érode jamais
ô mue laissée au sol de la présence
nous t'aimerons part légère des êtres et des choses
comme nous aimons sans deuil l'écho de nos baisers donnés
salut à toi ombre
compagne non incluse dans la mort
pudique amie et muette et tendre
de toutes choses vivantes
Jean-Pierre Siméon "Levez-vous du tombeau" ( Gallimard 2019)
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