La vie, malgré

 

Malgré. On dit malgré. Malgré quoi? Malgré rien, tout. Malgré le temps, les cris, ce qui tombe. Malgré la pluie, le sang. Malgré derrière, devant. Le dos, les mots. La vie, malgré.

Malgré, on ne sait plus. Dedans, le corps poursuit son minutieux travail. On écoute, on palpe, mais rien. Malgré la rage, la haine jaune et pourrissante, quelque chose encore. Qui cherche. On regarde tout autour, on écoute, on tend les doigts – on ne sait toujours pas.

Oui, mais on continue, tu le sais bien. On dit : qu’est-ce qu(on peut faire ? La pluie se met à tomber à seaux. Elle efface l’image. Ensuite, elle s’arrête. Entre-temps, genoux serrés, bras croisés, tête penchée, paupières fermées, le corps s’est assoupi. Malgré le bruit. Celui de la soufflerie. Et d’autre chose aussi. Qu’on aimerait pouvoir dire.

Jacques Ancet "La vie, malgré" ( Éditions Lettres Vives 2020)