J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 24 février 2022

Vie du poème

 



Quant à la poésie, on ne comprend pas je crois ce que c’est si l’on a en tête une seule chose. Car c’en est deux : deux formes de disponibilité. La première, au réel, implique déjà un luxe (car il ne faut avoir ni faim, ni froid, ni être malade ni désespérément amoureux d’une personne qui vous obsède en se refusant, pour s’intéresser aux images que déclenchent en nous les mots de la dictée – la peau, les bouches, les oreilles, un cheveu – ou les rots et glouglous du Rhône), mais sa difficulté est nulle : la pensée c’est tout-à-l’égout, suffit de collecter les eaux usées des mots. La seconde, aux possibilités de langue, distingue un poème de la prose du monde (…). Toutes les postures et toutes les querelles de postures, les mythes (l’inspiration ou le génie) et les forfanteries, les expérimentations vides et la poésie du dimanche, naissent de l’oubli de l’une de ces deux composantes : la poésie est disponibilité au dehors, et à la langue. ( p 13)

Pierre Vinclair " Vie du poème ( Labor et Fides 2021)

 

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