Le poète, comme tant d'autres, rêve derrière la vitre. Mais dans le verre même, il découvre une petite déformation qui va propager la déformation dans l'univers. De Mandiargues dit à son lecteur : « Approche-toi de la fenêtre en t'efforçant de ne pas trop laisser courir ton attention au dehors. Jusqu'à ce que tu aies sous les yeux un de ces noyaux qui sont comme des kystes du verre, petits osselets parfois transparents, mais le plus souvent brumeux ou bien vaguement translucides, et d'une forme allongée qui évoque la prunelle des chats. » A travers ce petit fuseau vitreux, à travers cette prunelle de chat, que devient le monde extérieur ? « La nature du monde change-t-elle ? ou bien est-ce la véritable nature qui triomphe de l'apparence En tout cas, le fait expérimental est que l'introduction du noyau dans le paysage suffit à conférer à celui-ci un caractère mou... Murs, rochers, troncs d'arbres, constructions métalliques, ont perdu toute rigidité dans les parages du noyau mobile. » Et de toute part, le poète fait jaillir les images. Il nous donne un atome d'univers en multiplication. Guidé par le poète, le rêveur, en déplaçant son visage, renouvelle son monde. De la miniature du kyste de verre, le rêveur fait sortir un monde. Le rêveur oblige le monde « aux plus insolites reptations » Le rêveur fait courir des ondes d'irréalité sur ce qui était le monde réel. « Le monde extérieur, dans son unanimité, s'est transformé en un milieu malléable à souhait devant cet unique objet dur et perçant, véritable œuf philosophique que tes moindres sauts de visage promènent tout à travers de l’espace. »
Gaston Bachelard " La poétique de l'espace"
1 commentaire:
C'est tellement juste, oui.
merci.
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