Examinons
un moment un esprit ordinaire au cours d’un jour ordinaire.
L’esprit reçoit des myriades d’impressions, banales,
fantastiques, évanescentes ou gravées avec l’acuité de l’acier.
De toutes parts elles arrivent – une pluie sans fin d’innombrables
atomes ; et tandis qu’ils tombent,
qu’ils s’incarnent dans la vie de lundi ou de mardi, l’accent
ne se marque plus au même endroit ; hier l’instant important
se situait là, pas ici ; de sorte que si l’écrivain était
un homme libre et pas un esclave, s’il pouvait écrire ce qu’il
veut écrire et non pas ce qu’il doit écrire, s’il pouvait
fonder son ouvrage sur son propre sentiment et non pas sur la
convention, il n’y aurait ni intrigue ni comédie ni tragédie ni
histoire d’amour ni catastrophe au sens convenu de ces mots, et
peut-être pas un seul bouton cousu comme le tailleur de Bond Street
les coud.
La vie n’est pas une série
de lanternes de voitures disposées symétriquement ; la vie est un
halo lumineux, une enveloppe semi-transparente qui nous entoure du
commencement à la fin de notre état d’être conscient. N’est-ce
pas la tâche du romancier de nous rendre sensible ce fluide élément
changeant, inconnu et sans limites précises, si aberrant et complexe
qu’il se puisse montrer, en y mêlant aussi peu que possible
l’étranger et l’extérieur ?
Virginia Woolf " L'art du roman" ( traduction de Rose Celli)
2 commentaires:
"...ce fluide élément changeant, inconnu et sans limites précises, si aberrant et complexe qu'il se puisse montrer..." Quels mots plus justes pour parler de ce que appelons "notre vie"
Je savoure ce fragment qui me donne envie de courir chez le libraire... des mots si justes... Merci !
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