J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 30 juin 2023

aux lisières

 

dans le clair-obscur

la patiente écriture des lichens

un bric-à-brac de pensées

de la vie dans la vie

l’éternité dans l’instant

mercredi 28 juin 2023

Jalousie des jours/ semaine 58/ année 2

 

lundi 12 juin                                                 

tremble bruissant

cherchant toujours plus de hauteur

il trône dans le jardin de là-haut

on se retrouve

à éprouver l’air tous deux

de bon matin

à échanger de nos nouvelles

mardi 13 juin

mots enlignés

qui frappent et font résonner

les murs intérieurs

prêter l’oreille à ce qui émerge

à cette vie plus dense

élargir les frontières

en écouter les balbutiements

mercredi 14 juin

instant indécis

où se guette la venue de mots

atelier d’écriture à deux

sous la fraîcheur des arbres

c’est entre Virginia et nous

que tout se passe

et le vol de quelques freux

jeudi 15 juin

migraine souterraine

la tenir à distance

faire comme si elle n’était pas là

mais elle gagne du terrain

les sourcils se froncent

le front se plisse

un cachet s’il vous plait

vendredi 16 juin

buis libéré

des ronces et du liseron

le jardin s’est refait une beauté

et la regardeuse que je suis

s’émerveille d’un rien

retrouve un peu de souffle

et la lumière se fraie un chemin

dimanche 18 juin 2023

Quatrain/ 114

 

rêver loin en amont

l’été vient d’entrer

avec les doigts qui pépient

pour laisser passer la lumière



vendredi 16 juin 2023

En vivant, en écrivant

 


En écrivant, tu déploies une ligne de mots. Cette ligne de mots est un pic de mineur, un ciseau de sculpteur, une sonde de chirurgien. Tu manies ton outil et il fraie un chemin que tu suis. Tu te trouves bientôt profondément engagé en territoire inconnu. S’agit-il d’une impasse, ou bien as-tu localisé le vrai sujet ? Tu le sauras demain ou dans un an. (…)

La ligne de mots est un marteau.Tu t’en sers pour explorer les murs de ta maison. Tu les tapotes, doucement, partout. Après les nombreuses années passées à étudier ces choses, tu sais à quel bruit prêter l’oreille. Certains murs sont porteurs ; il faut qu’ils restent en place, sinon tout l’édifice s’écroulera. D’autres murs peuvent disparaître sans dommages ; tu sais entendre la différence. Malheureusement, c’est souvent un mur porteur qui doit disparaître. On n’y peut rien. Il n’y a qu’une solution, qui te consterne, mais c’est comme ça. Flanque-le par terre. Gare. 

Annie Dillard "en vivant, en écrivant" ( Christian Bourgois  )

 traduction de Brice Matthieussent

mercredi 14 juin 2023

Jalousie des jours/ semaine 57/ année 2

lundi 5 juin                                   

monde nécessaire

que celui de l’imaginaire

qui depuis l’enfance nous hante

où l’on se perd

et se retrouve à toujours

effleurer les mêmes songes

et toujours autres

mardi 6 juin

regain mélancolique

qui infuse doucement

comme une tristesse

il va falloir faire avec

même si on aimerait

se sentir plein de légèreté

et de joie de vivre

mercredi 7 juin

ajours d’ombres

sur le chemin au-dessus

du barrage du gouffre d’enfer

des enfants font de l’escalade

sur les rochers de la roche corbière

et je n’ envie nullement

ce désir d’aller plus haut

jeudi 8 juin

enfant joyeuse

qui court et rit

s’active en tous sens

cherche à comprendre

le monde autour d’elle

et vit à cent vingt pour cent

on rêve d’avoir son énergie

vendredi 9 juin

esprit desséché

proche d’un abandon

plus de force pour rien

envie de tout laisser

et de rester au bord du jour

les yeux fermés

la bouche sèche

samedi 10 juin

interlignes suspendues

nourries de ces silences

si proches des mots

et doucement creusent

cette nécessité d’écriture

proche d’un étrange

qui bat derrière les paupières

dimanche 11 juin

ailes déployées

il survole mon ciel

il mène une recherche

il tourne et tourne encore

chacun sa vie et chacun son regard

chacun guidé vers son ailleurs

à proximité des ombres



 


 

lundi 12 juin 2023

l’éternité dans l’instant

 

soulever un coin de la nuit

le temps d'ouvrir la main

                 une pépite de rien

                 comme un drapé

dans le terreau des mots

                 une goutte d'encre coule

samedi 10 juin 2023

La Semaison

 

On ne peut pas écrire tous les jours, à heures régulières, comme le paysan laboure un champ ou comme le clerc feuillette et annote ses minutes. On est plutôt pris entre deux dégoûts, celui d’écrire ce que l’on écrit ( de ne pas le faire mieux, autrement) et celui de ne plus rien faire du tout, qui est pire. À moins de changer de métier, ce qui est vraisemblablement utopique. Les paroles devraient donc se frayer un chemin entre ces deux insatisfactions, dans un étroit espace où elles trouvent peu d’aliment, peu de feu. Alors que l’air et l’espace autour de nous séparent si largement les choses les unes des autres, et peuvent si aisément être franchis.

Philippe Jaccottet " La Semaison / Carnets 1968-1979"

mardi 6 juin 2023

Jalousie des jours/ semaine 56/ année 2

 

lundi 29 mai                                        

attrait mystérieux

que ce mur enrobé de lierre

je poursuis le défrichage

de ces lianes volubiles

je griffe mes doigts à tenter

de détacher les crampons

et le mur respire

mardi 30 mai

sons lents

et lancinants du glas

le pas s’alentit

les pensées se rassemblent

on passe tout près de l’esplanade

où une foule se tient

dans la sobriété du deuil

mercredi 31 mai

humble monologue

qui se passe en tête

dans la nécessité du soir

quand la carcasse se tasse un peu

et que des ombres passent

dans les pensées

se sentir à l’abandon

jeudi 1 juin

pensées floues

comme un regard qui n’arrive

à se poser nulle part

chaque pensée se fait songe

erre et divague

dans une cartographie

d’un paysage inconnu

vendredi 2 juin

soirée musicale

chansons qui jaillissent

quelques paroles se posent

sur les lèvres

on chante on rit

et l’on goûte avec plaisir

à des retrouvailles

samedi 3 juin

ballot d’images

dont on ne fera rien

qui fulgurent

puis s’effacent et que l’on

ne retrouvera pas

des images des ombres

de la fumée qui s’évapore

dimanche 4 juin

écoute active

de musique de la renaissance italienne

les voix s’épousent

et se répondent

on se croirait loin du monde

et près d’un paradis

poudre d’or dans les oreilles



dimanche 4 juin 2023

vendredi 2 juin 2023

Manières d'être vivant

 


Combien de fois n’avons-nous rien vu de ce qui se tramait de vivant dans un lieu ? Probablement chaque jour. C’est notre héritage culturel, notre socialisation qui nous a faits ainsi. Il y a des raisons et des causes à cela. Mais ce n’est pas une raison de ne pas se battre.Pas de reproches, mais une certaine tristesse à l’égard de cette cécité, de sa portée, et de sa violence innocente. C’est un enjeu majeur que de réapprendre, comme société, à voir que le monde est peuplé d’entités autrement prodigieuses que ne le sont les collections de voitures et les galeries des musées. Et de reconnaître qu’elles exigent une transformation de nos manières de vivre et d’habiter en commun.(...)

 Par “crise de la sensibilité”, j’entends un appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre, et tisser comme relations à l’égard du vivant. Une réduction de la gamme d’affects, de percepts, de concepts et de pratiques nous reliant à lui. Nous avons une multitude de mots, de types de relations, de types d’affects pour qualifier les relations entre humains, entre collectifs, entre institutions, avec les objets techniques ou avec les œuvres d’art, mais bien moins pour nos relations au vivant. Cet appauvrissement de l’empan de sensibilité envers le vivant, c’est-à-dire des formes d’attention et des qualités de disponibilité à son égard, est conjointement un effet et une part des causes de la crise écologique qui est la nôtre. 

Baptiste Morizot " Manières d'être vivant" ( Éditions Actes Sud 2020)