J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 16 avril 2024

Ricochets / 15

 


1/ Quand on se demande l'impossible, et que l'on œuvre pour le rendre possible, l'énergie déployée se retrouve payée au centuple. On n'est pas dans l'ordre de la maîtrise de quoi que ce soit, mais dans un renversement d'être que l'on se doit d'assumer. Le corps se serre dans le faire, même si autour tout tremble un peu. On est dans un processus de marche qu'il n'est pas possible de stopper.

2 / À l'instant où cela s'écrit sous les doigts, il est impossible de juger ce qui vient de se faire. La nécessité de laisser reposer un texte, pendant plusieurs jours et pour des textes longs et denses un temps encore bien plus long, est indispensable. Combien de fois arrive-t-il n'avoir aucun souvenir de phrases écrites, s'interroger sur le sens caché qu'elles peuvent bien avoir... Au travers des mots, parfois comme une découverte, redécouverte.

3/ À ne jamais savoir si la raison se trouve de mon côté. Mais se persuader de poursuivre le chemin sur lequel mes pas se sont engagés. Il n'y aurait rien d'autre à faire que de continuer à suivre ses envies. On le sait bien que le temps joue contre tous les désirs non encore réalisés. Il est d'autant plus urgent de se lancer des défis. Ceux qui me tiennent debout.

4/ 15h52 ce mercredi 10 avril 2024, sur le talus qui borde l'autoroute, entre Saint-Etienne et Lyon, peu  avant la sortie de Lorette, les premiers coquelicots de cette année. Le plaisir est toujours aussi fort. Le fil rouge des errances peut reprendre, l'horizon peut étendre sa toile où suspendre quelque espérance. C'est l'au-delà du printemps sans être encore l'été, c'est un peu d'enfance en cadeau, c'est juste le temps des coquelicots.

5/ On réalise bien que les frontières ne sont pas extérieures à soi, mais qu'elles se sont construites, depuis l'enfance à la lisière des blessures qui colmatent le corps. Les autres avancent avec leurs meurtrissures, similaires aux nôtres, parfois sans en avoir la conscience, et c'est ainsi qu'il est difficile d'échanger. On se rencogne dans nos propres ellipses, on se retire sur nos branches d'ombres pour ne pas se faire saigner.

6/ Et si on se mettait à étudier le lainage de sa vie. La couleur manque de lumière, il y a quelques accrocs colmatés par un fil qui s'effiloche à son tour, la forme se déforme chaque jour un peu plus. Détricoter le tout afin de faire sa Pénélope, il n'est plus temps. Rapiécer ? Mais non, les échancrures sont aussi le reflet de ce que nous sommes: juste les aimer.

7/ L'ailleurs que nous traversons, en écho à l'intime, et qui sans bruit, sans mot nous bouleverse. Cet arbre qui capte le regard, ce parterre de coquelicots où ennoyer ses songes, ce ruisseau où laisser voguer quelque brindille de soi. Et que dire de ce point de vue où revenir sans cesse, sans aucune lassitude, dans une relecture perpétuelle avec le déchiffrement du temps d'avant, et un présent aux résonances vives.

 

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Pourvu que l'on reste dans un processus qui ns empêchera de ns rencogner et de ns retirer et que l'on garde cette capacité d'émerveillement devant le monde, tte la beauté de cette apparition d'un coquelicot, alors rien n'est perdu ; mieux vaut un chemin cahoteux que se fourvoyer sur un bon chemin.