J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 16 septembre 2024

Ricochets/ 37

 


1/ S'emparer d'instants qui, sans cela, n'auraient qu'une existence très éphémère, dans cette immédiateté de présence, à soi, aux autres, à ce que je peux lire ou entendre ici ou là. Renouer avec cette attention au temps en train de se perdre, entrer dans cette transparence froide, un peu floue où se récoltent des bribes d'existence ou de pensées qui poursuivent un peu leur vie dans ce jardin porteur d'ombres.

2/ Se glisser avec délicatesse dans l'orée du matin, fixer les bordures d'ombres qui se dissipent sans bruit, tendre l'esprit vers ce qui se profile du jour, prendre le temps et la mesure des possibles qui s'offrent, lire quelques lignes d'un livre qui patiente sur le bureau. Réaliser que l'on entre dans l'automne avec quelques jours d'avance, dans la douceur d'un début de saison et c'est ainsi que va la vie.

3/ On se rassure à poser le pied sur l'allée de pas japonais, confectionnée avec des rondins de bois, et l'on se prend à s'interroger sur l'âge de cet arbre qui a permis ce tracé, qui conduit, comme avant, jusqu'à l'entrée. Rien n'aurait donc changé: la maison, le jardin comme un cloître, la vue absorbée jusqu'aux lointains dont on ne sait pas tout. Seule résonne l'absence de celui qui n'est plus.

4/ Rien ne remue dans le jardin. Ni branches, ni rameaux, ni tiges éparpillées. On reste dans l'attente d'un frémissement, d'un souffle soudain, ou de l'arrivée d'un oiseau, d'une mésange ou une pie qui ferait plus de bruit, en se posant entre le feuillage. Mais non, rien de tout celà. Immobilité et silence. Le jardin comme un coffre de verdure où ne rien remuer, les mains calées au fond des poches.

5/ Quand la porte s'ouvre, le tintement du carillon qui effleure le bois annonce une arrivée. Il y a quelques années il sonnait dans une autre maison, et il joue toujours ici sa même mélodie, prévient et de son timbre grêle égraine des brisures de sons. La trace est dans l'esprit, vive et fraîche, comme un souffle d'antan qui respire tout près, murmurerait presque un bonjour, dans ce lacis de sons.

6/ Les cheveux ébouriffés par le souffle du vent, fort et froid, mais il y a une telle lumière, et un tel plaisir d'arpenter ces paysages, même sous cet air glacé, que le plaisir prend le pouvoir. C'est comme si la vie s'allégeait soudain de tout ce qui entraîne vers le bas. Le souffle qui refait surface en soi est en train de gagner. Cela fait presque comme une douce ascension.

7/ Sous le boisseau du temps, quelque peu ralenti, entre ce qui s'immisce en esprit, et ce qui est, il subsiste des faisceaux de lumière, indifférents à la vie qui fuit. On voudrait se faire brodeuse aux doigts de soie des images imprégnées sur la rétine, ce bruissement que l'on glisserait entre les fils pour dire ce qui s'est déroulé au fil du jour, entre ciel et terre, sous le vent.

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