J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 24 septembre 2024

Ricochets/ 38

 


1/ Ne savoir que se taire au cœur de ces espaces où tout est plus grand que soi. Écouter le vent qui va et vient et crie la beauté des lieux. Il écorche les peaux pour y laisser l'empreinte du beau. Il rassemble puis éparpille les rubans de pensées volées au temps qui passe., tressant une parure de pétales. On ne peut que donner son assentiment à cette envolée du vent.

2/ Je regarde des photos de lichens, comme je regarderai un tableau dans un musée. Celle du Graphis scripta, dit aussi lichen à écriture secrète, avec le dessin de lirelles ( du latin lira qui veut dire sillon). Tenter de se glisser entre les lirelles incrustées sur les écorces d'arbres, dans la quête toujours renouvelée d'une écriture nouvelle. Les lichens, signes parsemés, comme l'art du déchiffrement de ce qui est caché.

3/ Tout est un peu vague et indistinct. Ce qui ne peut se peindre peut-il se déplier en mots? Les émotions peuvent-elles prendre phrases? Parfois chez l'enfant juste les larmes, sans pouvoir dire leur origine. Pleurer pour laisser s'écouler une tension trop forte, ou quelque chose que l'enfant lui-même ne sait pas, mais qui le déborde. Un ruban d'émotions enfantines qui se déroule dans ce chagrin dont on ne saura rien.

4/ Quelle chair pour l'éphémère? Mais il n'a que des ailes pour rayer la lumière du matin. À peine le temps de se saluer qu'il s'est retiré dans cet autre monde où l'on ne se croise pas. Il ne reste qu'à poursuivre un dialogue intérieur et inventer ce qui aurait pu être. Ce n'était qu'un fantôme errant entre les pages écornées des jours. Le livre d'une vie venait de se fermer.

5/ On ne sait pourquoi mais parfois on pose la main sur un livre miroir où très vite on y détaille des traits, des contours, des grimaces ou des sourires. Les rides du temps ont creusé les mêmes sillons que sur son visage et l'on ne serait guère étonné qu'il prononce notre nom. Il peut parler d'enfance, d'adolescence ou de maintenant, il y a comme une buée de soi qui s'évapore.

6/ Quand on apprend à lire avec sa mère, ça teinte à jamais le savoir d'affectivité, dixit Pierre Michon. J'ai vécu cela, sans m'en souvenir malheureusement. Je suis passée de la moyenne section au CP, car j'avais déjà les notions de la lecture. Comment se peut-il que je n'en ai gardé traces, sinon peut-être cette joie de la lecture, du livre comme source de bien-être et de lieu éternel de refuge.

7/ Écrire par petits bouts, par petites touches, autrement dit par fragments n'est rien d'autre que se tenir au centre d'une toile dont on fait vibrer de temps à autre un fil, qui par tremblement en suscite un autre, et encore un autre. Écrire par ondes successives et tenter, sur du pas grand chose, de dire du presque rien. Et l'écriture pousse, grandit. Juste avancer de petits riens en petits riens.



1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Ce dernier paragraphe ( numéro 7) me touche beaucoup car l'écriture c'est comme la vie, où un tremblement en fait vibrer un autre et l'onde se propage. De petits riens en petits riens, Tout est relié et rien ne dure, à nous de maintenir l'équilibre entre toutes vibrations.