J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 4 octobre 2024

Divagations/ 7

 

 
de mon étrange relation avec Virginia...

 Durant la troisième séance, je présente le livre Mrs Dalloway. Je procure toujours quelques repères biographiques qui permettent un petit éclairage sur les circonstances de l’écriture. Virginia a 43 ans lorsqu’elle le publie, et obtient un succès assez rapide. Pendant longtemps il porte le titre Hours (Les Heures). D’après les notes de son Journal, l’écriture a été éprouvante, et il est bien accueilli par les critiques qui louent sa nouveauté, malgré la faiblesse de l’intrigue. L’histoire raconte la journée d’une femme de bonne société, Mrs Dalloway, après la première guerre mondiale préparant une réception le soir chez elle. La première phrase est connue : Mrs Dalloway dit qu’elle se chargerait d’acheter les fleurs elle- même. Des personnages traversent le roman et des impressions et des souvenirs se mêlent au fur et à mesure de la journée. La singularité du récit se situe dans la manière de raconter. Tout cela passe par le tamis des sensations du personnage principal, par ses perceptions sensorielles et par ses pensées, ou ses états de conscience. Technique littéraire nommée flux de conscience, qui se retrouve chez d’autres écrivains (Proust, Joyce, Faulkner…). Et c’est bien sûr autour de ce flux de conscience ou courant de conscience que je souhaite faire travailler les participants.

L’originalité de la technique narrative de Virginia Woolf consiste à raconter presque constamment en passant d’un personnage à un autre :  tantôt dans le point de vue de Clarissa, tantôt dans celui de Peter Walsh, tantôt dans celui de Rezia, etc. Les scènes se succèdent avec des alternances de points de vue entre les personnages qui se rencontrent. On ne sait pas toujours si c’est le narrateur qui parle ou si l’on est dans la tête d’un des personnages. On passe insensiblement des pensées d’un personnage, rapportées sous forme de monologue intérieur, à un échange de paroles entre deux personnages. Pour en revenir au flux de conscience, j’ai tenté d’expliquer ce que cela était : des perceptions servant de stimuli à des pensées et à des souvenirs, avec un ancrage dans l’environnement et les déplacements du personnage, les associations d’idées qui en résultent et les réminiscences du passé, notamment dans le personnage de Clarissa qui traverse tout le roman. Sans oublier les états d’âme évolutifs et contradictoires qui pouvaient se succéder. Tout cela saisi avec délicatesse et sans complaisance !

Après la lecture d’extraits choisis je proposais alors d’expérimenter cette écriture, c’est à dire de mêler ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de soi avec les idées qui traversent l’esprit au moment même où elles arrivent sans éprouver la nécessité de noter « il pense » ou « elle dit ». Peut-être acquérir une syntaxe plus libre, plus dépouillée. J’avais indiqué en plus l’utilisation du point-virgule dans le texte, et peut-être de tenter aussi cela dans les textes qui allaient s’écrire. Je leur ai proposé de penser au trajet fait ce matin pour venir jusqu’à l’atelier, ou à une sortie en ville avec une idée précise de lieu où aller et tout l’imprévu croisé en route, une arrivée dans une maison inconnue, au théâtre, au cinéma, à une fête...ce qui se passe autour et dans la tête.  J’ai le souvenir de textes produits assez pétillants et d’une satisfaction des participants après la réalisation de l’exercice.  J’ai incité bien évidemment chacun à se plonger dans la lecture de Mrs Dalloway pour en goûter toute la saveur, mais je ne suis pas sûre d’avoir été écoutée…

(à suivre)


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