J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 14 novembre 2024

Choses perdues

 

À la benne les jouets de l’enfance avec leurs rires bien dissimulés dessous, oubliés les noms de la boulangère ou du boucher en bas de la rue, perdues les dissertations du lycée et la collection de pierres, et définitivement mort le prunier coupé ras pour rien, évaporée l’odeur de l’appartement, et le toucher de la peau de la mère racorni lui aussi, et les voix toutes les voix de ceux qui ne sont plus disparues, et les paroles d’importance envolées, et l’ordinateur volé avec on ne sait déjà plus quoi auquel on tenait, et les bijoux dérobés eux aussi ce même jour, et toutes ces envies tous ces projets qui ne verront jamais le jour, et tous ces livres lus et dont la fin ne peut rester en tête, et les faces à faces avec des tableaux dont on ne sait plus rien, ce Rouault à Beaubourg, mais lequel déjà, et les larmes devant écoulées où, et tous ces chagrins non consolés, et les espoirs anéantis ceux de mai 81, quand on croyait encore à quelque chose, et les rêves de paix dans le monde anéantis, et l’entente entre les hommes anéantie, et la guérison des maladies anéantie, et la fin de la faim dans le monde anéantie, et la maîtrise des catastrophes anéantie, et les rendez-vous manqués, les rêves ravis, et tous les pas perdus, et les perdus de vue, et les plumes perdues, et le contrôle perdu, et la raison perdue, et la foi perdue dans un coin, et le paradis perdu également, et par un mot parfois aussi tout est perdu, et la trace des choses perdues anéantie et l’écho de la trace des choses perdues perdu, et tout le temps perdu, et l’avant et même le présent déjà perdu lui aussi, et le vide laissé par tout ce perdu, et l’écho de ce vide perdu lui aussi, et l’écho de l’écho, et la vie bientôt

( texte écrit lors d'un atelier du mardi avec François Bon il y a un an)



1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un autre style, que j'aime beaucoup (aussi), comme parfois quand tu parles ta pensée, sur ce ton que tu avais quand je t'interviewais sur l'amour. Ces mises en abymes des pensées et des échos