1/ Un homme érudit parle dans une assemblée, qui l'écoute avec attention. Il emploie un mot, qu'il redira à deux reprises dans son propos, un mot dont je ne savais pas l'usage. Je chercherai dans le Littré, il n'y est pas, mais on le trouve sur des dictionnaires en ligne. Je trouverai même des citations fictives où il est employé, générées par l'Intelligence Artificielle. Je vais pouvoir intuiter à mon tour.
2/ Les doigts serrés qui, sur un stylo quatre couleurs à la teinte bleue enclenchée, qui sur un crayon bleu océan un jour de grande lumière, qui sur un stylo à capuchon d'un rouge révolutionnaire, elles ajoutent des mots aux mots vers leur univers d'écriture, alors que, par la grande baie vitrée, les collines à l'horizon tentent de se hausser par-dessus la litière de brouillard, dans une lente lutte aléatoire.
3/ Immergée dans le Journal de Virginia Woolf de bon matin et s'apercevoir que la matinée est presque achevée, que l'on vient de vivre dans le Londres de la fin de 1918, qu'un armistice vient d'être signé, que l'on a noté quelques bribes de mots sur un cahier dévolu à cela, et relisant les notes, souligner celle que l'on gardera du jour: quelque part en elle subsiste quelque chose de l'enfant.
4/ Ces notes glissées ici depuis plus d'un an comme une marche à l'aveuglette, cahotant entre les lectures et les pensées qui s'insinuent, ne sont qu'une manière de s'extirper des brouillards de l'hiver où la crainte de rester enserrée est si forte que s'obliger à poser ces lignes chaque matin est une tâche nécessaire comme de chasser les poussières déposées sur les meubles et d'ancrer ainsi quelque lumière dans la grisaille.
5/ À côté des paroles qui se disent, se contredisent, se superposent, se recouvrent, s'anéantissent, on ne sauvegarde plus rien. Ce qui est dit s'amasse sur ce qui a été dit sur ce qui a été dit et tout se compacte, ne laissant qu'une bouillie de mots dont on n'écoute plus rien, qui ôte toute velléité de révolte. Seuls les poèmes longtemps après se font viatiques pour les jours à venir.
6/ Une pluie blanche comme des émotions en allées et venues se glissant sous le rai d'une porte, ou entre les deux battants d'un volet en bois disjoint, comme celui de l'enfance. C'est toujours là que l'on se retrouve sans même l'avoir convoqué. Je me revois face à cette fenêtre du troisième étage, fixant le nuage de poussières qui semblait stagner entre des mondes, soleil dissous, révélant comme une présence magnétique.
7/ Je parcours des sites internet qui me plaisent, je survole, je lis, et soudain je m'arrête sur une phrase isolée sur une ligne J’aime la porte rouge qui conduit au dojo*. Pourquoi cette phrase, si ce n'est que son rythme me saisit, c'est un alexandrin bien sûr, c'est la poésie qui a irrigué mon enfance. Et là, dans l'instant, je me plongerais avec plaisir dans des poèmes de Victor Hugo.
* Anne Savelli dans Le semainier
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