2/ Parler de la terre, poser une couche de mots qui s'ajoutent à ceux des autres autour de cette matière où le pas s'enfonce, cherche à se détacher, dont on garde trace sous les semelles, dont on aime voir à l'automne les mottes retournées, faisant bloc, rougies par les oxydes de fer, ensanglantées de vie. Espérer les naissances encore et encore de ce qui poussera là, ce qui vivra à nouveau.
3/ Écrire entre les deux oreilles. Écrire dans la résonance. Divaguer même si encore sous perfusion. Nourrie des échos qui s'interpellent, se coupent la parole, surgissant de tous côtés, poursuivre son sillon comme une dentelière, créant un nouveau motif autour des épingles piquetées sur le carreau, les fuseaux cliquetant, dansant au-dessus, nouant les fils de coton, s'amplifiant, se perdant en digressions, une boucle suscitant une autre boucle, s'égarant dans les marges
4/ Il y a une scène de théâtre. Il y a des acteurs et actrices. Il y a des voix profondes qui saisissent, qui emportent sur d'autres rives. Il y a le rythme, la cadence donnée aux mots et aux syllabes jaillissantes, il y a une langue d'un autre siècle contant des amours contrariés. Un alexandrin, comme un vitrail dans une église, le brouillard qui se dissout, un lever de lune.
5/ "Je cherche souvent qui parle quand je dis je." Ces mots de Marie-Hélène Voyer, transmis par les bons soins d'une amie, me sont sans doute adressés. Ils résonnent, sont déjà bien ancrés en moi depuis longtemps. Je dis souvent que cela s'écrit, lorsque se forment les mots sur la page. Ils se choisissent et se posent. Où est le je, et qui est véritablement le je à cet instant précis ?
6/ Rester à ne rien faire n'est pas dans mes habitudes. Même si, vu de l'extérieur, on me voit debout, immobile, derrière ma fenêtre à laisser mes yeux divaguer entre ciel et terre, à suivre l'errance d'un oiseau, ou assise avec quelque chose entre les doigts, un livre sans doute, et on voit bien que les pages ne se feuillettent ni ne se tournent . Mais je suis déjà dans l'écriture.
7/ Est-ce que cela va mieux s'écrire dessus? Hier, achat de quatre carnets lignés ( cela va de soi), mais de texture totalement autre de ceux, très classiques et sans fioritures, sur lesquels j'écris d'ordinaire (il m'en restait encore trois deux noirs et un marron). Cela aura été mon lâcher prise du jour. L'insignifiant pour repousser tout ce qui ailleurs cogne aux tempes. Me réjouir de ces petites choses sans importance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire