J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

dimanche 2 mars 2025

Journal

 

Dimanche 23 juin 1929 :

Mais je commence à voir Les Ephémères maintenant; presque trop clairement, du moins avec trop d’acharnement pour mon repos. Je pense que cela commencera ainsi : l’aube. Les coquillages sur une plage; et puis je ne sais pas, des chants de coqs et de rossignols; et puis tous les enfants assis à une longue table; les leçons. Le commencement ? Il y aura là toutes sortes de personnages. Alors la personne qui est devant la table pourra à tout moment appeler n’importe lequel d’entre eux; et cette personne fera naître l’atmosphère, en racontant une histoire où il est question de chiens ou de nurses par exemple. Ou un conte pour enfants; une atmosphère de Mille et Une Nuits; et ainsi de suite. Ce sera l’enfance, mais ce ne doit pas être mon enfance; et des bateaux sur la pièce d'eau; la vision enfantine; irréalité; les choses vues sous un angle insolite. Puis il faudra choisir une autre personne, ou une autre figure; le monde irréel doit envelopper tout ceci comme des vagues fantastiques. L’éphémère entre alors, le bel éphémère solitaire. Ne serait-il pas possible que l’on entende les vagues tout au long du livre ? Ou les bruits de la ferme ? Des bruits insolites et bizarres ? Elle pourrait avoir un livre, et un cahier; de vieilles lettres. Lumière du petit matin, mais, sur ceci toutefois, il est inutile d’insister, parce qu’il doit y avoir une grande liberté en dehors du “réel”. Mais cependant tout doit être plausible. Tout cela est naturellement la “vraie” vie, et le néant ne vient que de l’absence de cela. (...)Tout reverdit et se vivifie en moi quand je commence à penser aux Éphémères. Je crois aussi qu'il est beaucoup plus facile qu'on ne pense de pénétrer en d'autres...

Virginia Woolf "Journal " ( traduction Germaine Beaumont)



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