1/ Il y a des matins plus difficiles pour guider la barque des mots sur le cours de la rivière. S'apercevoir un mois plus tard que l'on a oublié une date que l'on honore d'habitude et que, donc, des failles se produisent, plus importantes que l'on ne croyait. Dans le froid de ce matin de mars, je murmure à voix douce qu'il me faut vivre avec un peu plus de vigilance.
2/ Dans chaque pli de la terre, une parole pourrait se lover. Entre la fleur, la neige et tout ce qui s'empresse dessous et dont on ne sait rien. Tout se dérobe à notre contemplation, nous n'avons que des histoires de papier à nous raconter. Les murmures du dessous nous restent inaccessibles et les mots sèchent sur nos lèvres. Il reste tant à connaître, à apprendre du bercement de la terre.
3/ Un nid de nuage, un arbre, une pensée qui se blottit. Personne ne sait comment tout cela se marie et prend vie. Entre eux les ombres du dedans et tout ce qui s'accroche aux branches encore dénudées d'un mois de mars. Tout près les étangs qui ont retrouvé leurs eaux où pouvoir avoir la tête à l'envers. On reste là devant en attente d'un souffle qui aurait encore à dire.
4/ Je reste toujours surprise de la manière que les mots ont de se choisir, de s'apparier, de se poursuivre entre les lignes ou dans un dialogue entre des personnes, ou alors de se repousser, de ne pas souhaiter être prononcés, de se blottir dans les grottes intérieures où ils s'amassent prêts à s'échapper et jaillir lors d'un épisode délirant, ou dans le labyrinthe des rêves où ils retrouvent leur liberté.
5/ Se sentir toujours à la recherche d'un savoir, d'être dans l'expectative d'apprendre quelques chose de nouveau, même simple, et je dirais même surtout simple. Le peu que ce savoir consentirait à me donner me satisferait humblement. Il y a tant d'ignorance en soi face au monde scientifique, médical, astronomique,historique, politique, par exemple, alors que je ne fais qu'errer entre des livres de littérature où tracer ma propre sente où avancer.
6/ Au creux des jours qui s'effilochent et des coups de vent qui bouleversent les horizons, on se penche sur une éraflure, sur ce qui au bord suinte un peu, sur ce qui cherche à se dérober. On ne sait ce qui affleure encore, nous avions déjà lavé le sang, mais il reste toujours un rien qui s'écoule pour attirer le regard, une croûte que l'on ne finit pas de gratter.
7/ Je sais quelques lueurs où renaissent des voix. On frôle du doigt une intonation, on ressuscite un phrasé, les lèvres et les paumes se rejoignent, on cherche la chair des mots. Tels des embruns sur la crête des vagues, ils jaillissent soudain, façonnent la surface de l'instant, scintillent avec délicatesse, laissant croire un instant à une réelle présence et puis s'effritent, s'ensevelissent à nouveau entre les pages usées du temps.
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