1/ Être soi en occultant l’idée de l’immensité. Les ans s’ajoutant aux ans, on se rend compte que l’accomplissement de soi passe aussi dans de petites choses, de petits gestes qui ne vont pas révolutionner la terre. Les articulations du monde d’aujourd’hui ne sont plus de notre ressort. Nous sommes comme cette lumière oblique d’octobre, à regarder autour de nous et se contenter de détails qui reçoivent la lumière du jour.
2/ En déplaçant des phrases ou des mots dans un texte change les possibles de ce qui est en train de naître dans l’écriture. Des ouvertures se mettent au jour, des chemins d’écriture autres se dessinent, des choix de frottement de mots placés ailleurs révèlent un univers qui peut-être appelle à faire voltiger ce qui s’écrit dans des zones inconnues, vers un accroissement de la lumière, ou un épaississement du secret.
3/ Je lis un livre à rebours. Je déambule dans son univers de droite à gauche. Il a cette particularité de pouvoir être lu ainsi. Je ne pense pas en le lisant. Je laisse juste les chapitres se dérouler dans la bascule qu’ils proposent, dans ce déséquilibre où la lecture nous entraîne. Quelque chose se tisse et se défait puis se retisse : l’esprit flotte entre les mots coquelicots recueillis.
4/ L’effort à réaliser chaque matin pour entrer dans le jour avec tout son être. Ne rien laisser sur le bas côté, mettre en œuvre tous les muscles du corps et de l’esprit. Passer outre les limites où le confort nous suscite. Faire le pas de plus qui fait avancer davantage au-delà de qui on est. Maintenir le plus possible sa bulle d’être à l’horizontale, comme celle d’un niveau de maçon.
5/ Outrepasser le seuil de désenchantement. Saisir les petits riens de naissance autour de soi : cette lumière d’octobre qui caresse les prés, leur donnant un surcroît de vigueur, et laissant susciter, entre les brins d’herbe doucement agités par la brise, l’évanescence d’un rêve qui nous emporte loin d’un quotidien tout alourdi de nos peurs. Artifice d’une distraction, bercement d’illusion sans doute mais un pas de côté qui recharge les batteries.
6/ Où situer notre assise mentale ? Ce point en soi où nous nous sentons en équilibre, où nous reconnaissons un lieu d’être, où il nous semble trouver les forces pour poursuivre le chemin, le point étroit peut-être où notre vie s’articule et nos pensées se mettent en place, où la voix se fait claire, se ponctue d’une intonation à nous seuls donnée, la poésie étrange de l’être que l’on est.
7/ Ici ou ailleurs, les bruits du monde nous absorbent. Ils cèlent tout avenir, noircissent tous les horizons vers lesquels se tourner, désespèrent l’espérance. Alors, écrire ces pacotilles semble dérisoire, fait preuve d’un manque d’ambition, et ne révèle qu’une forme d’impuissance. Mais se dire chaque matin que l’on est au seuil de quelque chose en tentant d’écrire est une certaine victoire sur soi. Des mots de passe pour se tenir droit.
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