on se rattache aux petites choses du monde
regard perdu dans le loin
ce vaste plus loin
où parmi les souffles l'écoute du vent
J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)
on se rattache aux petites choses du monde
regard perdu dans le loin
ce vaste plus loin
où parmi les souffles l'écoute du vent
1/ Les pensées qui suffisent pour tenir le jour. Des bribes de mots où se relier, des pages de livres qui s'ouvrent à la page nécessaire et qui, de leur lecture, aèrent le front. Le jour peut recommencer au-delà des grisailles dont il se pare. Le ciel gardera son opacité, mais le souffle des mots, telle une flèche, saura transpercer sa peau. Ce sera mon réel pour les heures à venir.
2/ Un pas qui se répète pour avancer dans l'ombre. La lumière restera derrière. À l'aube de ce jour les premiers tressautements de ce qu'on pourrait nommer l'hiver. Quelles traces suivre pour ne pas perdre espoir, à quel tronc d'arbre s'adosser pour ne pas perdre l'équilibre, vers quel horizon ajuster sa vision quand rien ne se distingue plus sur le chemin... Se tenir en suspens entre les parois qui se profilent.
3/ Les images que nous capturons d'un clic sur le téléphone ou l'appareil photos et que nous conservons ne sont que des caresses sur une peau, avant la mue du temps. Les images rassemblées sur des fichiers dans nos ordinateurs sont les tessons de chairs, des bribes de caresses subtilisées au hasard des vents. Entre la matérialité des images regardées et des mots qui se forment alors, le souffle du temps enfui.
4/ Tout est incertain dans ce qui entoure.L'écriture du monde qui voudrait bien tourner encore laisse sans voix. Chaque matin une page du calendrier se tourne lourde des éclats qui s'effondrent au sol dans une sorte d'indifférence. On voudrait bien retrouver des yeux d'enfant avide de découvrir les choses nouvelles qui l'attendent, le désir d'apprendre encore et encore, et faire un dessin aux couleurs chatoyantes, en fredonnant une ritournelle, visage illuminé.
5/ Il m'arrive parfois de relire d'anciens fragments dont je n'ai pas le souvenir de les avoir écrits. Je ne sais plus d'où provient leur naissance, ni le réel qu'ils tentent d'évoquer. Comme lorsqu'on déambule dans un cimetière bien connu, des noms ressurgissent et il faut quelques secondes avant de retrouver les visages qui leur correspondent. Penser que ces fragments pourraient peut-être reprendre vie ou en susciter d'autres en des ricochets.
6/ D'un pas paisible, c'est ainsi que désormais on marche. Le rythme s'est ralenti sur le chemin qui s'enroule sur lui-même. On prend le temps des murmures qui s'élèvent, et des échos qui répondent aux premières lueurs du soir. Ce qui colle à la mémoire brûle encore un peu. On reconnait le seuil où entrer, on ouvre la porte, la lumière se répand, encore vive, on frôle les confins d'un infini.
Chaque lettre est un visage perdu au sein de ce qu'on lit. La lettre phénicienne alf, la lettre hébraïque aleph, la lettre grecque alpha, la lettre latine a est une tête de taureau qui se retourne à partir de la gauche et tombe tout à coup sur la droite. [...]
C'est ainsi qu'il faut débuter les chapitres dans les histoires qu'on note: très vite. Comme d'un jet. Comme la première des lettres. Comme un taureau qui fonce.
Avançant le pied gauche dans le jour et le monde, pied droit scellé pour toujours dans la porte d'Eden.
Il faut toujours ouvrir à partir d'un retour sur soi qui tout à coup affronte.
Comme la brusque volte-face des sangliers.
Pascal Quignard "L'enfant d'Ingolstadt" ( Dernier royaume X)
À la benne les jouets de l’enfance avec leurs rires bien dissimulés dessous, oubliés les noms de la boulangère ou du boucher en bas de la rue, perdues les dissertations du lycée et la collection de pierres, et définitivement mort le prunier coupé ras pour rien, évaporée l’odeur de l’appartement, et le toucher de la peau de la mère racorni lui aussi, et les voix toutes les voix de ceux qui ne sont plus disparues, et les paroles d’importance envolées, et l’ordinateur volé avec on ne sait déjà plus quoi auquel on tenait, et les bijoux dérobés eux aussi ce même jour, et toutes ces envies tous ces projets qui ne verront jamais le jour, et tous ces livres lus et dont la fin ne peut rester en tête, et les faces à faces avec des tableaux dont on ne sait plus rien, ce Rouault à Beaubourg, mais lequel déjà, et les larmes devant écoulées où, et tous ces chagrins non consolés, et les espoirs anéantis ceux de mai 81, quand on croyait encore à quelque chose, et les rêves de paix dans le monde anéantis, et l’entente entre les hommes anéantie, et la guérison des maladies anéantie, et la fin de la faim dans le monde anéantie, et la maîtrise des catastrophes anéantie, et les rendez-vous manqués, les rêves ravis, et tous les pas perdus, et les perdus de vue, et les plumes perdues, et le contrôle perdu, et la raison perdue, et la foi perdue dans un coin, et le paradis perdu également, et par un mot parfois aussi tout est perdu, et la trace des choses perdues anéantie et l’écho de la trace des choses perdues perdu, et tout le temps perdu, et l’avant et même le présent déjà perdu lui aussi, et le vide laissé par tout ce perdu, et l’écho de ce vide perdu lui aussi, et l’écho de l’écho, et la vie bientôt
( texte écrit lors d'un atelier du mardi avec François Bon il y a un an)
1/ Prendre une décision n'est pas toujours facile, et même carrément source d'errance mentale infinie. Peser le pour et le contre. Mais on ne peut tout prévoir, et à force de tout analyser, réfléchir à tous les tenants et aboutissants, on se prend la tête dans un étau. C'est comme arracher un sparadrap sur la peau, il y a ceux qui le font d'un coup et ceux qui avancent au centimètre.
2/ Mon bureau est le lieu où demeurer et me rassembler. Où accueillir les éclats de soi dans un monde où tout n'est que déchirure et fracas. Se recentrer dans un champ opératoire morcelé. Les livres qui recouvrent la table sont porteurs de vie et de chaleur. Le geste d'ouvrir le livre, de tourner une page puis une autre et encore une autre est celui d'un creusement de son archéologie intérieure.
3/ Toujours à rechercher les traces, les empreintes, les vestiges qui seraient laissés sur le bas-côté du chemin qu'il nous faut bien continuer à suivre. Il y a la tentation d'y décrypter des messages à soi adressés par on ne sait quel fantôme, bien décidé à laisser un indice, à poursuivre une conversation interrompue et dont on n'avait pas su recueillir les brindilles nécessaires pour alimenter le feu de nos vies.
4/ On est toujours sur un fil entre deux extrémités. Et l'instabilité permanente du fil nous conduit à une attention sans repos. Par chance, l'imagination ouvre les portes au risque sans effroi. Et permet d'être au monde, de le parcourir, de vivre dans cet écart ô combien salutaire. Et le symbolisme n'est jamais très loin qui aide à tenir sa verticalité, à poursuivre son cheminement sur le fil, même avec vertige.
5/ Ronces, extravagance de lierre et d'herbes mauvaises on le comprend bien qui se faufilent entre les branches des arbres et des buissons, s'accrochent avec force et refusent de se laisser déloger, affirmant qu'elles ont le droit de ramper là, que tout le monde a le droit de vivre et qu'elles font aussi partie de la nature et de quel droit on cherche à les arracher, les éradiquer de la terre.
6/ Sur le point de se rompre, parfois on sent cela. Comme le givre enserrant des tiges fragiles, toutes prêtes à casser, à l'aube des jours, que l'on dirait petits, eux aussi enclins à se briser au moindre souffle. À ne plus rien savoir du vide et du plein qui se terre en soi. Et les silences incertains reclus depuis des siècles s'effeuillent comme les pages de l'éphéméride sur le mur.
7/ Pénétrer dans les replis de ce que l'on nommera soi sans encore
le savoir. Démesurées tentures noires, broderies, chapelets de
boules de papier pendantes, visages peints. Quatre immenses têtes de
terre avivées au passage auprès d'elles: on n'est donc pas seul.
Avancer vers la lumière de quatre immenses aubes blanches aux
broderies de vies saisonnières. Pas après pas alenti, vibrations
lentes de sons dans le ventre: s'acheminer dans une exposition.
dans mon récit d'aveugle
prendre un mot face à face
et le tirer vers moi
brûlant jusqu'au vertige
de mon étrange relation avec Virginia
Pour aborder la seconde phase du travail autour de Virginia Woolf, j’ai proposé trois débuts de textes qui seraient utiles pour que chacun puisse écrire sa propre nouvelle. Mrs Dalloway dans Bond street qui date de 1923 et semble une nouvelle préparatoire au livre Mrs Dalloway dont je donnerai aussi les premiers paragraphes et l’incipit du texte Courir les rues de 1927. Le projet est d’écrire une nouvelle, à la manière de Virginia, en quatre ou cinq séances. Les trois débuts de textes proposés introduisent un personnage qui va traverser Londres sous le prétexte de chercher à acheter quelque chose : des fleurs, un crayon, des gants. À chacun de choisir le lieu, la ville de son choix, de créer son personnage, le nommer, et de définir la quête qu’il peut avoir. Pour corser un peu ce début d’écriture, je demande de calquer son début de nouvelle sur une de Virginia, avec trois paragraphes de longueurs différentes, le premier composé d’une seule phrase, le deuxième de deux ou trois phrases et le troisième beaucoup plus long. Chacun étant le narrateur omniscient. Voilà pour la forme qui s’installe. Et avoir toujours en tête, les notions travaillées dans les séances précédentes, à savoir : le flux de pensées, la notion de temps qui passe, le jaillissement récurrent de souvenirs pour signifier des moments d’être, la météo, les pensées qui se télescopent…
Auparavant je leur avais lu un extrait de la préface de Londres, de Mario Fortunato, publié chez Rivages :
On commence par le bas : par la perspective du trottoir. Hiver. Entre quatre et six heures de l’après-midi, quand il fait déjà sombre : « Le soir nous offre cette irresponsabilité qui vient avec les ténèbres et la lumière électrique. » C’est à ce moment-là, selon Virginia Woolf, qu’il vaut mieux aller se promener dans Londres. C’est à ce moment-là que nous pouvons le mieux nous délivrer de la gangue rigide ( et probablement agaçante) de notre moi, pour nous ouvrir à la rue, c’est à dire aux autres, et pour devenir ce que nous sommes véritablement d’après elle: « un œil énorme » […] la réalité n’est plus un tableau extérieur, une image fixe, qui se trouve devant celui qui écrit et qui donc peut être racontée avec détachement, mais un flux continu dans l’espace et le temps, qui frappe et bouleverse l’œil individuel. De cette manière, le récit d’une expérience simple, quotidienne, telle que peut l’être une promenade entre le thé et le dîner, devient une expérience primaire d’ouverture au monde, une fusion spéculaire dans la foule anonyme dont on est une partie et en même temps une reconnaissance dans l’histoire de ce soi collectif que nous appelons une ville : en d’autres termes, une plongée dans son moi avant le moi.
à suivre
temps tapoté rabattu retourné
savoir regarder et penser
prendre le chemin
aux courts cheveux de lin
1/ Mon boisseau de silence c'est maintenant, il faut en profiter. C'est là, face à soi et en soi, bien réel. Tout est endormi autour, même les oiseaux semblent somnoler. Se tenir dans l'anse de ce silence, en faire des provisions pour les heures à venir. C'est comme une page entortillée autour de soi. On peut faire semblant de penser, se perdre dans ses souvenirs ou faire revivre ses propres fantômes.
2/ Une cathédrale de feuillage sous la lumière d'un après-midi d'octobre. Cela signifie quelque chose du temps qui est passé et qui passe encore. Cela le magnifie, lui donne un éclat dont on ne voit que rarement l'ampleur et la beauté. L'éphémère en majesté. Un poème sous un baldaquin qui se laisse aller, s'abandonne, faisant fi des ténèbres à venir. Sur le sol, une flaque d'eau frissonne, se couvre de rides.
3/ La sensation d'abandonner de plus en plus d'envies, de pensées, d'amis sur les bandes d'andain qui longent mon chemin. Sans doute, les amas des uns et des autres s'accumulent au fil du temps qui fuit: c'est une nécessité, on ne peut tout porter...Il faut faire des choix, se délester de ce qui pèse trop, ce qui entrave le pas. En ce maintenant de la vie, que garder encore avec soi?
4/ Au travers des mailles du matin, ne conserver auprès de soi que les projets qui naissent, les rencontres à venir, les promenades qui interpellent, et refouler au loin les pensées du passé qui reviennent, avec une certaine constance, troubler l'onde de chaque jour. La lumière qui baigne la maison signe qu'il est nécessaire de se tourner vers elle, et de se laisser envahir, puis apaiser avant la prochaine houle d'obscurité.
5/ Chaque matin recommencer. Chaque soir se refermer. Entre les deux tenter d'étirer le regard entre les mondes. En se cognant aux angles acérés de ce qui se trame et explose un peu partout. Se recentrer entre ses propres murs, son espace noir ou blanc, la paume des mains à toucher le silence des parois, et même si rien à dire, et froid en-dedans, tenir bon, sourire au rayon de soleil.
6/ Trouver l'équilibre entre la friche et un jardin agréable à regarder, sans parler de le contempler. Se tourner vers bruyères et bambous qui ont toujours pu apaiser le regard, surplombé par le petit sapin bleu et le cyprès nain. Espace aussi restreint qu'il peut l'être mais où déjà se sont emmagasinées les pensées d'avant lorsqu'il fallait bien se raccrocher à quelque chose pour poursuivre le chemin et se tenir debout.
7/ Un jour à ne rien voir à plus de dix mètres. Un jour où bruyères et bambous semblent pleins de cette tristesse de novembre contre laquelle on ne peut pas lutter. Un jour où les fleurs dans les vases s'épuisent à donner un peu de douceur, mais elles restent sans vie, les pétales recroquevillés, baignant dans une eau qui devient glauque, se bordurent de noirceur. Elles restent inertes comme moi.
dans le grand
bal ralenti des rêves
il est un écrin léger
là où le vent vacille
sous la voix basse de l'aube
1/ Le motif de certains récits, quelles que soient leur longueur et leur densité, découle d'un amont dont on ne reconnaît pas toujours la source. Le ruisseau de mots se détache en cours de sinuosité, advenu en esprit parce que c'est l'instant désiré, et cela s'écrit sans trop avoir conscience de ce qui se trame dans ce qui va suivre. Il y a la nécessité de s'altérer à ce qui jaillit.
2/ Lire le jardin ou le monde qui nous entoure demande des compétences que je n'ai pas. Ou dont je ne possède que des bribes. Je ne conçois que des images séparées, qui s'ajoutent les unes aux autres, mais il faudrait les ajuster entre elles pour comprendre quelque chose à ce qui nous cerne. Utiliser une grammaire de coordination pour relier les relations secrètes, cachées entre les êtres et les choses.
3/ Comment ça racle les idées noires qui surgissent sans prévenir, comment ça sarcle entre les neurones qui restent. On se retrouve écorché, le chandail perd ses mailles, des béances s'élargissent. On s'accroche où on peut, comme on peut avec les doigts qui se déforment et qui n'ont plus de force. Puis le tourbillon s'en va plus loin, on revient vers soi, l'horizon se fait jour sur la toile de fond
4/ Aux murs, dont on détache les étagères après avoir sorti les centaines de livres qui reposaient ici depuis tant d'années, restent accrochées les conversations échangées là. L'appartement se vide, c'est une vie qui s'est terminée. On sauve du néant quelques livres voués à la benne et des souvenirs refont surface, là devant cette grande reproduction de Van Gogh, aux couleurs très pâles, presque éteintes.
5/ Le temps de contempler la chute d'une feuille qui tourbillonne, et s'apaise l'esprit. Elle s'est détachée de l'arbre à l'instant qu'elle a choisi. Elle descend et mon regard la suit jusqu'au sol où elle rejoint d'autres feuilles déjà sèches. Sacraliser l'instant où l'esprit s'est arrêté de rêvasser et s'est retrouvé dans la chute d'une feuille jaunie, donnant à voir, à penser, à partager ses dernières secondes de vie, sa mort.
6/ Sans imagination, point de vie intéressante. Se tenir aux aguets des vibrations qui sinuent entre les instants qui se déroulent sans que l'on ne maîtrise grand chose. Mais imaginer fait vibrer ce qui existe ou que l'on considère ainsi, et réchauffe des heures bien insignifiantes si cette petite étincelle ne jaillissait pas à l'impromptu et ne nous entraîne sur les sentiers du songe. Comme une voyelle glissée entre des consonnes.
7/ Dans mes errances numériques, je lis "c'est un jour de lichens" de Henry David Thoreau, extrait de son Journal, et il me faudrait dans l'instant me le procurer, pour lire ce bout de phrase dans son contexte. Il se pourrait bien que ce jour soit un jour de lichen pour moi aussi, un de ces jours où l'esprit s'accroche entre les lignes puisées ici ou là où l'on peut s'oublier
J'aime l'arête précieuse de vos mots, leur douceur violente, leur façon d'embrasser l'Univers à partir du plus petit évènement, l'incise qu'ils semblent inscrire dans le Temps. Comme si vous travailliez au couteau, au burin, à la manière d'un graveur, d'un orfèvre. C'est incroyable et c'est leur vérité: chacun de vos mots fut éprouvé. Mais pourrait-il en être autrement ? À quoi cela servirait-il d'ajouter des livres de poèmes à tant d'autres livres ? Le poème est une braise, il chante les commencements et la fin, il chante la vie et la mort, le sommet et le bas, il se moque des frontières, il est souvent perdu dans une chambre quelconque, au bord d'une fenêtre : « Mon pays est partout où il y a une table de travail, une fenêtre et un arbre sous la fenêtre. »
Joël Vernet "Cœur sauvage" ( L'Escampette 2015)
de mon étrange relation avec Virginia...
Reprenons le cours de l’atelier « à l’ombre de Virginia Woolf », nous en sommes à la sixième séance dans un des groupes où je partage ce travail. Nous allons porter un regard sur différentes nouvelles de Virginia Le travail se situe juste avant d’autres séances où chacun travaillera sa propre nouvelle. Je propose toute une série de premières phrases, les incipit, extraites de dix-huit nouvelles écrites tout au long de la vie de Virginia. Simplement la première phrase de chacune d’elles. Il s’agira alors d’écrire la deuxième phrase. Le titre de la nouvelle est donné. Le travail de chacun étant de s’adapter à la fois aux quelques éléments donnés dans cet incipit, à sa longueur, au rythme qui est déjà induit, à la manière d’ énoncer et au titre. Par exemple, le premier incipit donné est celui de Une maison hantée : Quelle que fut l’heure à laquelle on se réveillait, on entendait une porte se fermer.
Ce travail vu comme une manière d’entrer davantage dans l’écriture de Virginia, de voir comment elle « plonge » dans le texte. Elle a écrit une cinquantaine de nouvelles, et cela représente un élément fondamental de son écriture. Le but secret de cet atelier était aussi d’inciter les participants à attiser leur curiosité et de chercher à découvrir toutes les nouvelles proposées. On y trouve des visions impressionnistes, des petites pointes satiriques, de l’humour ; elle y aborde la condition féminine où beaucoup de figures de femmes sont mises à nu avec leur désir d’autonomie. Et l’art du récit est toujours bien mis en jeu également.
Les nouvelles ont des longueurs différentes. Certaines deux pages, d’autres une quinzaine. Dans Une maison hantée, une nouvelle de deux pages, on se retrouve dans une atmosphère onirique, on navigue dans l’incertitude, dans le fantastique. On ondule dans une sorte de symphonie avec l’introduction de thèmes mêlés de sensations et de sentiments, comme Virginia sait si bien le faire, qui enflent jusqu’à la fin de la nouvelle. La nouvelle, ou peut-être le poème en prose, Bleu et vert ne nécessite qu’une demi-page, pour nous offrir une méditation sur la perception des couleurs, sans réelle narration. Dans le verger est un texte qui me plaît particulièrement. Il est organisé en trois parties, dont chacune commence par les mêmes mots: Miranda dormait dans le verger, et ce qui est évoqué se retrouve dans les trois parties. La même scène est décrite de trois manières différentes. Dans la première, la vision de la narratrice est extérieure et les sons ont beaucoup d’importance. Dans la deuxième partie, on se retrouve plutôt dans les pensées de Miranda qui perçoit les éléments comme reliés, entrelacés à des éléments présents dans le premier jet d’écriture, et Virginia passe au « je », alors que dans les autres morceaux on sinue avec le « elle ». Dans la troisième partie, plus brève, est fournie une géométrie du verger , l'accent étant mis sur la relation entre la terre et l'air. Et la dernière phrase qui laisse le lecteur perplexe…
Cet atelier était le dernier avant un travail centré sur l’écriture d’une nouvelle personnelle.
à suivre...