1/ Un faisceau de lumière insolite, pourrait-on écrire, qui
s’échappe des pages d’un livre, qui tente de nous surprendre, de
nous éveiller de la forme d’assoupissement qui commençait à nous
envahir, malgré, nous semblait-il, une attention de la lecture
soutenue. Là dans ce rayonnement de mots une haute tension
soudaine, une densité d’être en expansion, simplement revivifiée
par quelques mots mis bout à bout, comme un fil à ne pas lâcher.
2/ Le
réel du matin, quand on ouvre les yeux sur ce qui nous entoure,
quand on se remémore le rêve de la nuit qui pourrait peut-être
nous faire progresser en nous-même, ce réel avec les rayons de
soleil qui entrent dans la maison, un peu plus tard chaque jour, ce
réel avec lequel il va falloir composer – douleurs, fatigue,
soucis mais aussi projets, rencontres, balades – : chaque
matin à embrasser.
3/
Réorganiser la pièce où je lis, j’écris, je vis ( je
travaille?) est nécessaire, souvent à chaque rentrée scolaire,
comme le souvenir de ma vie d’avant. Et jeter. Il y a un temps pour
jeter. Il y a un temps pour tout. Et il y a tant de choses, de
papiers inutiles dont je pourrais me séparer. Jeter pour faire de
la place en soi. Je progresse à petits pas.
4/ La
stabilité et l’instabilité de l’instant ensemble ressentis. À
vivre debout. Pieds nus sur un terrain glissant. Lumière à l’avant
de soi et ombres qui jaillissent. Tout se vit dans une forme de
respect. L’équilibre et le déséquilibre comme moteurs d’avancée,
dans une coexistence pacifique. L’instant ajouté à un autre
instant et encore un autre dans une conscience claire et sereine de
ce qui a lieu est un pourvoyeur d’horizons.
5/
Avant de décider d’aller quelque part, on se lève et on choisit
simplement d’aller. Peu importe la destination. Quel que soit le
sentier où se pose le pas, c’est la marche qui importe. Mettre en
mouvement le corps en une quête de métamorphose. Attendre sans rien
susciter. L’esprit se tient en embuscade. Prêt à traduire ce qui
monte du pas au contact de la terre, dans cette intimité des sens.
6/
Vivre à l’ombre de tout ce qui a déjà été gravé sur les pages
des livres. De cette ombre naît la lumière nécessaire. On
feuillette un recueil, quelques lignes se lisent dont on ne savait
pas la couleur, la richesse, l’espoir qu’elles pouvaient
apporter, la sérénité aussi. Le regard qui se déplace alors est
riche de ce qu’il vient de lire et se dépose avec douceur sur les
entours.
7/ Le
halo de silence où je me tiens le plus souvent possible, rayé par
le chant des oiseaux certains matins, dont je réalise que ces
jours-ci je ne les entends plus, ce lieu donc, où je suis recluse,
dans la pénombre des étagères de livres qui veillent derrière
moi, m’est indispensable. L’impression d’exister uniquement dans
ce lieu. J’ai cette chance inouïe de pouvoir y être, au sens fort
du terme.