J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

samedi 31 janvier 2009

Comme sont nus les rêves



Il en va des mines à ciel ouvert, des carrières aménagées dans les soubassements de la mer des faluns comme des phrases.
On les éventre.
Y creuse des labyrinthes, les explore et les sonde, cherchant une clé, un sésame.
On en extrait des morceaux de nuit.
Des reliquats d'azur plus tranchants que du verre et des échardes auxquelles chaque fois l'on se blesse, on a beau faire, beau dire, beau gueuler comme un fou sous l'indifférence des cieux que trouent ou déchirent et dépècent les goélands, les mouettes, rien n'en saigne, ou tout s'y recommence, on vit , se lève le matin, travaille, s'endort, près d'un homme ou d'une femme, s'accroche à son corps, se noie, s'oublie, ne s'oublie plus, s'effondre sur l'asphalte ou parmi les déchets du silence comme des mots amassés à l'intérieur d'un livre, on traverse la rue, on s'en va, mange, boit, on crève, il peut continuer ce texte, et se vautrer dans la fange, obstinément se frayer un chemin par l'immensité qui le toise et sous cette pluie, encore, cependant que je retourne le sol, trempé jusqu'à l'os, le marteau dans une main, le burin dans l'autre, attaquant de gros blocs détachés du front de taille ou qui roulèrent au bas de smonticules d'argile, il peut se tendre, se recroqueviller, paresseusement se lover sur lui-même ou vaguer titubant entre chiens et loups de l'aube au crépuscule, qu'est-ce que cela change? qu'est-ce que cela peut bien me foutre? je ne me souviens plus que du goût d'espérance qu'eurent jadis à mes lèvres les lèvres d'une femme qui n'avait aimé que la brume.

Lionel Bourg "Comme sont nus les rêves" (Editions Apogée 2009)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est extêmement fort tellement que c'en est effrayant de lucidité
mais n'est ce pas la froide lucidité qui est le plus beau!